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MAL DE DOS AU FEMININ

par le Dr Jean-Yves Maigne
 

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La première partie est ici

 
IX Ménopause et ostéoporose
 

Les effets de la ménopause sur le système osseux et articulaire sont maintenant mieux connus. Tous sont liés aux changements hormonaux qui accompagnent cette période de la vie. L'ostéoporose et les douleurs articulaires d'origine arthrosique en représentent les deux aspects.


1. - L'ostéoporose, son histoire et son diagnostic

L'os, qu'il soit vertébral ou d'un segment de membre, est construit comme une éponge : plein de trous, c'est l'os spongieux, mais entouré d'os compact en périphérie (les bords de l'éponge), c'est l'os cortical. L'os est un tissu vivant qui se remodèle et se renouvelle sans cesse, grâce à un équilibre entre les cellules qui le résorbent, les "ostéoclastes", et celles qui le fabriquent, les "ostéoblastes". Les estrogènes, hormones féminines, s'opposent à l'activité de résorption osseuse. Ils favorisent donc la bonne minéralisation du squelette.
L'ostéoporose est définie non par une déminéralisation de l'os mais par une diminution de la quantité d'os dans chaque vertèbre. Dans l'ostéoporose, les trous de l'os spongieux sont de plus en plus grands et les travées de plus en plus minces. Bien qu'il persiste moins d'os, celui-ci reste normalement minéralisé (ce qui n'est pas le cas lors des carences en vitamines D). L'os devient plus fragile et peut, en cas de contrainte trop forte, se fracturer ou se tasser plus facilement. Voilà ce qu'est l'ostéoporose.

La masse osseuse de 7 à 77 ans

La masse osseuse se constitue pendant la croissance, essentiellement sous la dépendance de facteurs génétiques. Elle reste à peu près constante jusqu'à l'âge de 45 ans environ, âge à partir duquel elle diminue progressivement, tant chez l'homme que chez la femme, mais pour des raisons et avec une vitesse différentes.
Chez l'homme, il s'agit d'un processus de vieillissement et la perte osseuse est lente, progressive et régulière. L'homme perd ainsi chaque année environ 0,3 à 0,5% de sa masse osseuse.
Chez la femme, tout s'accélère dès la pré-ménopause et surtout dans les quatre à six ans qui suivent la ménopause (post-ménopause). La perte osseuse annuelle est alors de 1 à 2% et peut même être plus rapide en cas de ménopause précoce (hystérectomie totale par exemple). Au delà de 60 ans, cette résorption osseuse anarchique se stabilise et reprend un rythme superposable à celui de l'homme, mais la perte osseuse a été plus importante. A la fin de sa vie, une femme aura perdu en moyenne 50% de son os spongieux et 35% de son os cortical, contre respectivement 35% et 20% chez l'homme.
Ce phénomène est évidement lié à la carence en estrogènes qui caractérise cette période de la vie. Il prédomine sur l'os spongieux (le principal constituant des vertèbres), ce qui explique que les fractures vertébrales (dites tassements) en soient la complication majeure. Il prend le nom d'ostéoporose post-ménopausique. L'ostéoporose sénile, celle qui s'installe lentement après soixante ans, touche aussi l'os cortical, avec pour complication principale les fractures du col du fémur.

On voit bien que l'os est un tissu vivant et que la perte osseuse est un phénomène inéluctable. Mais les femmes partent nettement défavorisées dans cette course à la fracture. Ainsi, à 70 ans, 25% des femmes ont un tassement vertébral (mais la plupart, passées les deux à trois premières semaines, sont totalement indolores). Dix ans plus tard, elles seront trois fois plus nombreuses. Et cette tendance ne va pas s'améliorer avec l'allongement prévisible de la durée de vie. Mais parlons maintenant du tassement vertébral.

Le tassement vertébral, complication de l'ostéoporose

On appelle tassement vertébral le tassement, voire l'écrasement d'une vertèbre. Le corps vertébral est principalement constitué d'os spongieux, les travées étant organisées en lignes de force, ce qui leur permet de supporter sans mal de lourdes charges. Au fur et à mesure que les vertèbres se fragilisent, le risque de tassement augmente en cas de traumatisme. Il peut s'agir de l'effort de soulèvement d'un objet lourd, d'un geste brusque, voire d'un effort de toux, ou même de rien du tout, le tassement survenant de façon spontanée. Le tassement est en fait une fracture, et les douleurs sont des douleurs de fracture.

Il n'y a pas un mais des tassements
Il existe différents types de tassements, du plus petit au plus grave (Fig. 12). Un petit tassement, comme par exemple un léger enfoncement localisé du plateau de la vertèbre, n'a pas d'influence sur la statique vertébrale. Lorsque le tassement est plus important, il prédomine sur la partie la plus fragile de la vertèbre, sa partie avant. Il est dit "cunéiforme", par analogie avec l'écriture des assyriens, ce qui signifie que le corps vertébral prend un aspect triangulaire à pointe antérieure. Il s'ensuit l'apparition d'une voussure du dos, qui ne peut que s'accentuer avec l'apparition de nouveaux tassements et majorer les douleurs.

Toutes les femmes ne sont pas égales face au risque de tassement
Il y a de grandes disparités d'une femme à l'autre. Il y a d'abord la densité osseuse de départ, celle qui s'est constituée lors de la croissance. Elle est sous la dépendance de facteurs génétiques.
Ainsi, les femmes noires ont-elles des os plus denses que les blanches, et ne développent pratiquement pas d'ostéoporose. Dans la race blanche, il y a aussi une grande variabilité d'une femme à l'autre. On ne sait pas avec certitude si les facteurs alimentaires interviennent aussi, mais c'est très probable. L'on ne peut donc que conseiller un apport calcique suffisant (produits laitiers surtout) pendant la croissance et chez l'adulte jeune. D'une façon générale, les femmes ayant une faible masse osseuse une fois leur période de croissance terminée ont un risque ostéoporotique plus élevé. Au contraire, celles dont la masse osseuse de départ est élevée n'ont quasiment aucun risque.

Il y a ensuite l'âge de la ménopause. Une ménopause précoce augmente considérablement le risque d'ostéoporose. Il en est de même d'une ablation chirurgicale des ovaires faite avant cinquante ans.
D'autres facteurs agissent à un moindre degré. Le risque ostéoporotique est moindre chez les femmes en surpoids ou obèses (car le tissu graisseux transforment certaines hormones sécrétées par la surrénale en estrogènes, et la carence est alors moins absolue). De même chez les femmes qui pratiquent une activité sportive (qui, elle aussi, augmente la masse osseuse). Inversement, l'absence de tout exercice physique, une alimentation pauvre en calcium, l'abus d'alcool et de tabac ont des effets défavorables.

Comment fait-on le diagnostic d'ostéoporose ?

Jusqu'à il y a une dizaine d'année, le diagnostic ne pouvait être fait que tardivement, lorsque apparaissait le premier tassement. En effet, il faut bien comprendre que l'ostéoporose est un phénomène parfaitement indolore en dehors des tassements. Aucun symptôme, aucun signe : rien. Certes, les radiographies lombaires mentionnent parfois une "déminéralisation", mais sans grande fiabilité car selon la caractéristique physique des rayons X utilisés, une vertèbre peut avoir l'air dense ou transparente. D'autre part, il faut une perte osseuse d'au moins 30% pour qu'apparaissent des signes radiologiques nets. Autant dire que la radio n'est absolument pas fiable pour diagnostiquer une ostéoporose.
Les choses ont changé avec l'apparition d'appareils de densitométrie qui mesurent de façon fiable la densité osseuse vertébrale (et aussi fémorale), et la rapportent à l'âge. Ceci permet de déterminer son caractère normal ou pas et surtout de la situer par rapport au risque fracturaire, valeur en deçà de laquelle le risque de tassement augmente. Cette notion de "risque fracturaire" est cependant parfois mal comprise des patientes. Elle ne signifie en aucun cas que la colonne va se briser au premier choc venu si vous êtes dans la zone de risque. Il y a simplement un risque un peu plus élevé de tassement que pour une colonne normale.
Cet examen devrait, idéalement, être pratiqué dès la période de préménopause. A cet âge, la masse osseuse est à peu de choses près ce qu'elle était en fin de croissance, à l'âge de vingt ans. Si la densité osseuse est déjà basse, il vaut mieux envisager un traitement préventif, car les choses ne vont pas aller en s'améliorant. Au contraire, si tout est dans les limites de la normale, il y a simplement lieu de le refaire dans un délai de deux à trois ans et de comparer les deux examens. Le coût de cet examen varie de 400 à 700 francs environ. Il n'est pas remboursé par la sécurité sociale.


2. - Quels traitements pour l'ostéoporose ?

Un des progrès de ces dernières années est qu'il est maintenant possible de prévenir de façon assez efficace l'ostéoporose post-ménopausique, voire de la traiter.

Les traitements préventifs

Parmi les traitements qui permettent d'éviter (ou de minorer) le risque d'ostéoporose, certaines mesure hygiéno-diététiques sont importantes à connaître et à pratiquer.

L'exercice physique
L'exercice physique sollicite évidement les muscles. Ceux qui prennent insertion sur les vertèbres, vont, par leurs contractions et les tiraillements qu'elles entraînent, stimuler la formation d'os. Ce qui est bon pour vos muscles est donc bon pour vos vertèbres. Toutes les formes d'exercice physique sont recommandées : marche à pied, jogging, musculation, vélo, natation, tennis, golf... Deux à trois heures par semaine sont nécessaires. De plus, l'exercice est bon pour le dos en général.
En revanche, l'abus (mais l'abus extrême seulement) est nocif. On sait en effet que chez les coureuses de fond s'entraînant de façon intensive (plus de 40 kilomètres par semaine, voilà qui laisse de la marge pour le plus grand nombre) et chez certaines sportives de haut niveau, il apparaît une déminéralisation vertébrale. Elle s'associe à une aménorrhée (absence de règles) qui traduit une carence hormonale grave.

Mesures diététiques
Le calcium est un des constituants essentiels de l'os. Il est fourni par l'alimentation. On conseille 1,2 gramme par jour chez l'adulte, un peu moins chez le vieillard (0,8 gramme par jour). Une nourriture normale nous apporte en moyenne 0,5 gramme. Le reste doit être apporté par les produits laitiers. Les fromages à pâte dure et cuite (gruyère, emmenthal, etc...) représentent la meilleure source possible : ils contiennent près de 1 gramme de calcium pour 100 grammes, soit sept fois plus que le lait !
La cigarette, comme l'alcool sont sources de déminéralisation s'ils sont consommés en excès. Mieux vaut donc renoncer au tabac.

Médicaments

1- Les estrogènes
Les estrogènes paraissent être la solution la plus logique pour freiner la perte osseuse liée à la ménopause. Outre leur action bénéfique sur la peau (ils maintiennent une certaine élasticité cutanée), sur les muqueuses (prévention de la sécheresse vaginale) et sur les maladies cardio-vasculaires, ils normalisent la résorption osseuse chez près de 90% des femmes. Ce traitement doit être mis en oeuvre le plus tôt possible, dès le début de la ménopause, lorsque la perte osseuse est la plus rapide, car il ne fait que la freiner sans reconstituer le capital osseux. Il doit être poursuivi pendant au moins cinq ans, mais certains recommandent dix ans. En effet, une fois arrété, la perte osseuse reprend : il s'agit donc d'un traitement purement suspensif.
En revanche, les estrogènes sont sans action sur les douleurs vertébrales elles-mêmes. Ils ne modifient pas non plus de façon sensible la souplesse vertébrale.

Malheureusement, ils ont des effets secondaires qui limitent leur emploi : augmentation minime mais significative du risque de cancer du sein et de l'endomètre, tension des seins, et autres manifestations plus mineures (nausées, maux de tête, jambes lourdes, irritabilité, etc...) mais bien désagréables tout de même. Un bilan gynécologique est donc indispensable avant traitement, pour dépister l'une ou l'autre des contre-indications formelles ou relatives puis, en cours de traitement, pour en surveiller les conséquences. De plus, certaines femmes hésitent à suivre un traitement hormonal prolongé pour un état, la ménopause, qui n'a rien d'une maladie. Le médecin doit évidement respecter ce choix..

2- Supplémentation en calcium
Si l'apport alimentaire n'est pas suffisant, une supplémentation peut être nécessaire. Il semble que le calcium, en tant que médicament préventif de l'ostéoporose, ne soit efficace qu'au moins cinq ans après la ménopause.

3- Vitamine D
L'absorption digestive du calcium ne peut se faire qu'en présence de vitamine D. Celle-ci pourrait aussi avoir une action directe sur le métabolisme osseux. La vitamine D est fournie par l'alimentation et par l'exposition au soleil.
Les produits laitiers en sont une source majeure, les poissons aussi. Ces derniers, vivant dans un milieu naturellement pauvre en calcium (la mer), en stockent de grosses quantités pour ne rien perdre du peu de calcium qui les entoure et dont ils ont besoin vital. C'est cette vitamine D que nous retrouvons dans notre assiette (Attention au mode de cuisson toutefois, la friture en neutralise deux fois plus que la cuisson pochée ou au micro-ondes...). En Europe, il semble que nos apports quotidiens soient insuffisants.

L'exposition au soleil est notre deuxième façon de nous fournir en vitamine D. Il faut d'abord un ensoleillement suffisant (en gros, de mars à septembre. Au delà, il fait trop sombre). Il faut aussi des capacités de synthèse sufisantes, ce qui n'est plus le cas chez les personnes agées. Ces dernières sortant peu de chez elles, on comprend qu'elles soient particulièrement menacées de carences (donc de fragilité osseuse, avec en particulier le risque de fracture du col du fémur).
L'association calcium - vitamine D est donc recommandée en particulier chez les vieillards, chez qui elle se montre capable de réduire l'incidence des fractures du col du fémur.

Les traitements curatifs

Si l'ostéoporose est installée, il faut la traiter. Il existe des médicaments qui augmentent la masse osseuse, en particulier au niveau des vertèbres. Ce sont les médicaments à base de fluor et les diphosphonates. Ils ne doivent être prescrits que lorsque existe un tassement vertébral.

Les médicaments à base de fluor
Ce sont les plus anciennement utilisés. il augmentent la densité osseuse d'environ 5% par an, mais plusieurs inconvénients limitent leur emploi. Il y a d'abord environ 30% de non répondeurs au traitement. Le traitement n'est pas toujours bien supporté (douleurs articulaires). Surtout, il est possible que dans certains cas, l'os reconstitué ne soit pas aussi solide qu'il le devrait, et que le risque de tassement persiste toujours. Des études sont en cours, dont les résultats ne peuvent être connus que dans quelques années, car la durée du traitement est en moyenne de deux à trois ans, et les effets à long terme ne peuvent être connus que quelques années après le traitement.

Les biphosphonates
D'apparition plus récente dans le traitement de l'ostéoporose, les biphosphonates inhibent la résorption osseuse. Ils sont mieux tolérés que le fluor. Le traitement consiste à prendre quinze jours de biphosphonates et deux mois et demi de calcium. Eux aussi apporte un gain de densité osseuse (peut-être moins marqué qu'avec le fluor). Leur effet à long terme semble bon, mais ici aussi, l'on en saura plus dans quelques années.

Malheureusement, ces traitements prolongés ne sont pas toujours bien suivis, voire abandonnés en cours de route.


3. - Arthrose, arthralgies et ménopause

L'ostéoporose n'est pas le seul problème vertébral de la ménopause. L'arthrose subit souvent un petit "coup de pouce".

L'arthrose

L'arthrose est définie par des lésions des cartilages articulaires s'accompagnant secondairement d'une densification de l'os contigu. Cette densification osseuse qui accompagne l'arthrose en fait en quelque sorte le contraire de l'ostéoporose. Cette opposition relative entre les deux affections se retrouve dans le fait que les femmes qui ont beaucoup d'arthrose font peu d'ostéoporose, et vice-versa. On retrouve ce contraste si l'on considère le rôle de l'obésité. Elle protège de l'ostéoporose, mais en contre-partie, elle favorise l'arthrose, en particulier aux genoux. La première ne valant guère mieux que la seconde, mieux vaut si possible conserver un poids normal.
L'arthrose touche aussi d'autres articulations, avec une préférence très marquée pour les hanches, la colonne et, chez la femme, les doigts. Le cartilage qui recouvre ces articulations n'est plus lisse mais irrégulier voire perforé en certains endroits. Ce frottement se manifeste par des douleurs mécaniques d'appui lorsque l'articulation est utilisée, ou par des poussées inflammatoires avec gonflement, rougeur et chaleur. L'arthrose est plus fréquente chez la femme. Elle touche souvent plusieurs articulations à la fois et les touche plus sévèrement que chez l'homme. Il est possible, comme le montrent certaines études, que le cartilage féminin soit plus fragile que le cartilage masculin.

Les arthralgies

Les arthralgies désignent des douleurs articulaires sans signe radiologique d'arthrose. Comme ce sont les mêmes articulations qui sont touchées, il est très possible qu'elles soient la première manifestation d'une arthrose débutante, encore invisible à la radio.
Une des découvertes récentes de ces dernières années est la mise en évidence de rapports entre ménopause et arthrose. Il se pourrait que la ménopause, et plus encore l'hyper-estrogénie préménopausique lui donne un véritable coup d'accélérateur. Les mécanismes en causes sont mal connus, faisant intervenir la sensibilité combinée de l'os et du cartilage aux estrogènes.
Nous voilà loin de la colonne, car ces travaux s'appliquent essentiellement à l'arthrose des doigts, qui est, il est vrai, plus facile à étudier, à radiographier et à mesurer que l'arthrose vertébrale. Mais rien n'interdit de penser que la ménopause pourrait parfois agir de la même façon sur les articulations de votre dos.

Les douleurs de dos

Il ne semble pas que le traitement substitutif de la ménopause améliore beaucoup les douleurs lombaires communes. En revanche, il est possible que ce traitement ne soit pas dépourvu d'efficacité dans certains cas bien ciblés.
Une étude toute récente en témoigne. Elle nous vient de Finlande, ou un traitement substitutif a été prescrit à un groupe de femmes en préménopause (age moyen : 44 ans) qui souffraient par ailleurs de douleurs lombaires. Un groupe similaire recevait un placebo (c'est à dire un médicament de même apparence, mais sans action chimique. Ni les patientes, ni les médecins qui les examinaient n'étaient bien sûr avertis du type de traitement. c'est ce que l'on nomme une étude en double aveugle). La durée du traitement fut de un an. Il apparaît que les femmes qui recevaient le traitement avaient moins de douleurs et de gène fonctionnelle que le groupe placebo.

Ces études vont se multiplier, et nous en saurons beaucoup plus dans les cinq à dix ans à venir, sur qui traiter, comment et combien de temps.

 
X Dos et âge mûr : quelles douleurs ?
 

Si la ménopause marque la survenue d'un risque ostéoporotique chez certaines femmes, l'ostéoporose elle-même ne deviendra éventuellement douloureuse qu'avec l'apparition de tassements vertébraux. Ils ne surviennent qu'au moins quinze ans plus tard, comme nous venons de le voir au chapitre précédant. En revanche, l'arthrose débute beaucoup plus tôt dans la vie (vers 30 - 40 ans) et atteint un développement moyen ou important dès la cinquantaine. Le plus souvent, il ne s'agit que d'un simple changement de forme des disques (qui se pincent), des vertèbres (qui se densifient, le contraire, donc, de l'ostéoporose, et qui s'entourent d'une collerette ostéophytique), et des articulations postérieures qui augmentent de volume. Mais elle est parfois à l'origine de douleurs vertébrales qui diffèrent des douleurs de la femme plus jeune. Les lésions responsables sont souvent plus facilement détectables, par la radio ou le scanner. De plus, à partir de cinquante ans, le facteur psychologique (stress en particulier) joue un rôle moindre. L'âge de cinquante ans n'est évidement pas, ici, une barrière absolue mais une date commode pour séparer les affections dorsales de la femme jeune de celles de la femme plus agée. C'est tout celà que nous allons maintenant envisager.


1. - Les douleurs arthrosiques lombaires

Nous savons maintenant que les douleurs lombaires de la femme jeune sont surtout dues à l'apparition de fissures de l'anneau du disque, à une perte de l'élasticité du noyau ou encore à de petits blocages intervertébraux. L'âge venant, l'arthrose vient aussi. Cette arthrose va toucher soit le disque, soit les articulations postérieures, en particulier au niveau des dernières vertèbres lombaires. Les causes changent, mais la fréquence des douleurs lombaire reste cependant la même.

Qu'est-ce que l'arthrose ?

L'arthrose marque avant tout le vieillissement d'une articulation, qu'il s'agisse d'une hanche, d'un disque intervertébral ou d'une articulation vertébrale postérieure. Ce vieillissement recouvre une grande variété d'états selon qu'il soit prononcé ou non. Une deuxième notion, capitale : l'arthrose de la colonne est loin d'être toujours douloureuse. La majorité des arthroses vertébrales ne donnent aucun symptôme, aucune douleur. D'autres font mal pendant quelques semaines, quelques mois voire quelques années pour les plus "méchantes" d'entre elles puis s'apaisent et se taisent, souvent définitivement. Celles qui deviennent de plus en plus douloureuses et handicapantes, au point qu'une opération s'avère indispensable pour supprimer la cause de la douleur sont réellement l'exception.

L'arthrose vertébrale se différentie donc nettement de l'arthrose de hanche par exemple, qui, presque toujours, devient gênante et, souvent, nécessite la mise en place d'une prothèse totale pour remplacer l'articulation détruite. Celle du genou est aussi handicapante. L'arthrose des doigts ne s'opère pas, mais s'enflamme par poussées très douloureuses. Si le diable vous proposait, comme à Faust, en échange de quelques biens terrestres, de vous prendre, non pas votre âme, mais une articulation pour la rendre arthrosique, n'hésitez pas : confiez lui votre colonne. De toutes les arthroses possibles, c'est encore celle qui fait le moins souvent souffrir.

En quoi consiste l'arthrose de la colonne ?

Comme nous venons de le voir, l'arthrose est synonyme de vieillissement. En fait, ce mot n'est pas tout à fait exact, car une articulation peut vieillir sans devenir arthrosique. L'arthrose est un vieillissement pathologique, anormal, trop étendu de l'articulation concernée (Fig. 13).

Arthrose des disques intervertébraux
L'arthrose discale se caractérise par un pincement, donc un rapprochement des deux vertèbres adjacentes, par l'apparition d'une petite collerette osseuse à la base des corps vertébraux qui, vue de profil sur une radio, prend l'aspect d'un bec de perroquet (le nom médical est "ostéophyte") et par une densification de l'os vertébral de part et d'autre du disque. Toutes ces manifestations sont liées à la déshydratation du noyau discal qui perd de son épaisseur et de sa souplesse, ce qui explique à la fois le pincement et la densification osseuse. Ce phénomène se produit normalement en l'espace de deux ou trois décennies. Le pincement discal s'accompagne d'un bombement circonférentiel du disque, en particulier en arrière, qui peut, par un phénomène de compression, être responsable de sciatiques.
Lorsque le pincement est très accentué, les deux vertèbres viennent à se toucher et les ostéophytes, qui ont eu tout le temps de se développer, en font de même. Il en résulte une véritable soudure des deux vertèbres concernées. Là où les petits mouvements intervertébraux faisaient mal, il n'y a plus de mouvement. Là où des poussées inflammatoires survenaient, il n'y a plus d'inflammation. Plus de douleur. Voilà pourquoi les gens agés souffrent moins de leur dos que les gens plus jeunes : leurs vertèbres sont moins mobiles et ils demandent moins à leur colonne.
Mais il arrive que le pincement se produise en quelques années, voire plus rapidement. Cette dégradation rapide est souvent source de douleurs importantes et parfois d'une relative instabilité entre les deux vertèbres.

Arthrose des articulations postérieures
L'arthrose de ces petites articulations se caractérise par les mêmes éléments que l'arthrose discale : pincement de l'articulation lié à la disparition progressive du cartilage et apparition d'ostéophytes, densification de l'os. Il s'y ajoute un élément très important qui est l'augmentation de volume de ces articulations. Cette hypertrophie peut se faire aux dépends des parties de la colonne où passent les nerfs (canal vertébral, trou de conjugaison intervertébral). Il y a alors risque de compression.

A quoi ressemble une douleur arthrosique ?

Il faut le répéter encore : l'arthrose vertébrale est le plus souvent indolore, simple témoin du vieillissement de la colonne. Mais il est évidemment des cas où elle le devient. Les douleurs arthrosiques sont globalement de deux types, les unes mécanique, soulagées par le repos et liées aux frottements entre deux vertèbres (l'amortisseur n'amortit plus), les autres inflammatoires (l'inflammation étant une réaction déclenchée par l'organisme qui peut s'amplifier de façon anormale). Il faut ajouter les douleurs liées à la compression d'un ou plusieurs nerfs par l'arthrose (voir paragraphes suivants).
Les douleurs liées aux frottements sont accentuées lors de certains mouvement brusques, et enraidissent la colonne. Il n'y a que le repos qui les soulage. Elles ne sont en fait pas très caractéristiques et ressemblent à la plupart des autres douleurs vertébrales.
Ce n'est pas le ces des douleurs liées à une poussée inflammatoire d'arthrose dans les disques. La douleur augmente la nuit, gène le sommeil, réapparaît dès que l'on tente de changer de position. Les anti-inflammatoires peuvent parfois en venir à bout, mais il peut être nécessaire de traiter avec des infiltrations, qui sont beaucoup plus efficaces.
Enfin, l'arthrose du disque ou des articulations postérieures peut, sans être douloureuse par elle-même, favoriser la survenue de petits blocages inter-vertébraux douloureux en raison de la fragilisation qu'elle apporte au segment mobile.

Traitement
Il faut d'abord tenter de localiser d'où vient la douleur (de quel étage de la colonne, et de quelle structure?). L'arthrose lombaire en poussée inflammatoire se traite soit par les anti-inflammatoires, soit par une ou plusieurs infiltrations de la zone atteinte. Le port d'une ceinture de maintient, voire d'un corset dans les cas plus aigus, peut être recommandé. Dans un second temps, au décours de la phase aiguë, les manipulations vertébrales peuvent se montrer efficaces.
Lorsqu'il s'agit d'un simple blocage inter-vertébral, les manipulations représentent le traitement de choix par leur action quasi-immédiate.


2. - Les douleurs provenant de la charnière thoraco-lombaire

Un autre type de douleur, fréquent chez la femme après 45-50 ans, est représenté par des douleurs irradiant à partir des dernières vertèbres thoraciques et des premières lombaires, qui se trouvent en haut de la moitié inférieure du dos. La douleur descend le long des nerfs qui partent de ces vertèbres pour gagner la fesse. Elle ne descend pas plus bas dans la cuisse, ce qui veut dire qu'il ne s'agit pas d'une sciatique. Il ne s'agit pas non plus d'une dorsalgie car l'origine de la douleur n'est pas perçue comme telle, la région dorsale basse ou lombaire haute étant spontanément indolore (Fig. 14).

C'est le trajet particulier de la douleur qui attire l'attention du médecin. C'est aussi le fait qu'il existe un point douloureux très spécial, sur la crête iliaque postérieure, dont la pression reproduit la douleur. Ce point, appelé point de crête, correspond au croisement de la crête iliaque par l'un des nerf qui descend le long du dos. Enfin, la charnière thoraco-lombaire est elle-même sensible à la palpation.
La douleur reconnaît plusieurs causes. La charnière thoraco-lombaire étant une zone mécaniquement très sollicitée, on imagine sans peine que de petits blocages puisse se produire à ce niveau, c'est la première cause. Il s'agit plutôt de faux mouvements en torsion. Le golf est un grand pourvoyeur de ce type de lombalgie, mais les activités quotidiennes suffisent amplement à déclencher une crise si le dos est fragile.
Une deuxième cause est liée au fait que les nerfs sensitifs qui descendent vers la fesse peuvent être comprimés lorsqu'ils croisent la crête iliaque (à l'endroit du point de crête), d'où la douleur. La compression est dûe au fait que l'un de ces nerfs passe à travers un orifice très fibreux avant d'émerger au dessus de la crête iliaque et que cet orifice peut, avec l'âge, devenir plus étroit. Bien qu'il s'agisse d'une cause rare de douleur, je l'aime tout particulièrement car ce fut là ma première découverte dans le domaine du mal de dos, il y a maintenant plus de dix ans. Cette découverte ne dut rien au hasard, mais tout à un patient travail de dissection des nerfs du dos répété près de quarante fois.
Une dernière cause de syndrome de la charnière thoraco-lombaire tient à la complexité des circuits nerveux qui pourraient lier ces nerfs aux disques lombo-sacrés, lieu d'origine d'une majorité de douleurs lombaires.

Traitement
Il s'agit surtout d'un traitement local, dirigé contre la source de la douleur : infiltrations ou manipulations en constituent les principaux éléments. Lorsque l'un des nerfs sensitifs est comprimé de façon trop forte, il est possible de le libérer par une petite intervention chirurgicale simple et efficace.


3. - Les douleurs arthrosiques cervicales

Comme au niveau lombaire, l'arthrose peut se développer aux étages cervicaux. Nous avons dit que le disque C5-C6 était le premier menacé, en raison de sa forte mobilité, mais les autres disques sont aussi régulièrement touchés par ce phénomène dégénératif, quoique plus tardivement. Les lésions observées sont identiques aux lésions lombaires dont nous avons donné une description suffisante plus haut.
L'arthrose cervicale peut, comme toute arthrose, s'enflammer sans raison particulière. La crise qui en résulte est particulièrement douloureuse, comme un torticolis. La douleur est encore plus forte la nuit et il devient difficile de trouver le sommeil. Elle peut descendre vers l'épaule, voire dans le bras et les doigts, en particulier si l'orifice de sortie du nerf est rétréci par des excroissances osseuses. C'est la névralgie cervico-brachiale arthrosique.
Mais à cette période de la vie, les douleurs purement mécaniques sont également fréquentes : petits blocages, dysfonctions de tous ordres, dont le diagnostic repose sur une bonne analyse clinique des troubles. Comme pour la région lombaire, les causes de douleurs cervicales changent avec l'âge, mais ici, elles s'additionnent. Autrement dit, la fréquence des cervicalgies augmente avec les années.

Traitement
Fort heureusement, les anti-inflammatoires (anti-inflammatoires classiques ou cortisone) sont assez efficaces dans ce type de crise. Et si tel n'est pas le cas, les infiltrations pourront venir à bout de la douleur. Les manipulations vertébrales sont contre-indiquées au cours de la phase aiguë.
En revanche, en cas de douleur mécanique, les manipulations, comme au niveau lombaire, sont un excellent traitement.


4. - La sciatique après soixante ans

L'âge moyen de celles qui souffrent d'une sciatique est de 40 ans environ, avec un large éventail allant de 20 ans (et parfois moins) à 80 ans (et parfois plus). Mais on sait qu'une sciatique désigne simplement une douleur irradiant dans la jambe, le long du nerf sciatique, sans préjuger de la cause. Nous en connaissons déjà une, la hernie discale, cause la plus fréquente de sciatique chez la femme jeune. Mais au fur et à mesure que l'on avance en âge, les disques se déshydratent et leurs noyaux deviennent de moins en moins gélatineux et de plus en plus fibreux. Au delà d'un certain stade, la gélatine est devenue si "fibreuse" qu'elle ne peut plus sortir aussi facilement du disque. C'est un peu le principe du dentifrice qui, trop sec, devient difficile à extirper de son tube même si l'on presse fort dessus. C'est pourquoi les hernies du sujet agé contiennent souvent des matières fibreuses (provenant du disque) et aussi de petits fragments cartilagineux voire osseux (provenant de la vertèbre) qui leur donnent une consistance moins "molles" que celles du sujet plus jeune.
Simultanément, l'arthrose apparaît avec ses becs de perroquets et l'hypertrophie des articulations postérieures. En eux même, ces phénomènes sont indolores (il ne s'agit que d'un peu d'os). Mais, bien placés à un endroit stratégique, ils peuvent venir irriter ou comprimer une racine nerveuse. Celle-ci s'enflamme à son tour, gonfle à cause de l'oedème et devient encore plus comprimée. Et voilà la sciatique.

En d'autres termes, la sciatique du sujet âgé est plus souvent liée à une compression dure, d'origine osseuse, ou à une hernie de consistance très fibreuse. Ce mécanisme lui imprime certaines particularités. La douleur débute moins brutalement, y est moins violente mais met plus de temps à guérir. Autre particularité, elle tend à s'aggraver à la marche, allant parfois jusqu'à la rendre difficile. Nous allons voir pourquoi.


5. - Le canal lombaire étroit

Le canal lombaire étroit désigne un rétrécissement du canal lombaire, c'est à dire de la partie centrale de la colonne lombaire (Fig. 15). C'est dans ce canal que passent les nerfs qui, issus de la moelle épinière, descendent vers les jambes après être sortis de la colonne par les trous intervertébraux dits de conjugaison. L'étroitesse de ce canal, qui peut survenir vers soixante ou soixante-dix ans (parfois bien plus tôt, lorsque des facteurs congénitaux apparaissent), est liée à la présence d'une arthrose du disque et des articulations postérieures qui s'est développée à l'intérieur de la colonne, au lieu de pousser vers l'extérieur, comme c'est habituellement la règle. En se développant ainsi, elle rétrécit le diamètre du canal. Il s'ensuit alors une compression non plus d'un seul nerf, comme dans la sciatique, mais de plusieurs nerfs en même temps.
Cependant, à elle seule, cette compression n'est en général pas assez importante pour entraîner des douleurs dans les jambes. En effet, les patients ne souffrent pas au repos, mais seulement à la marche. Pourquoi ? En marchant, la circulation s'accélère et le débit sanguin augmente. Les veines qui se trouvent à l'intérieur de la colonne étant, comme les nerfs, comprimées, elles ne peuvent faire face à cet afflux de sang et se dilatent. Ce faisant, elles majorent encore la compression des nerfs, en particulier les nerfs sciatiques. La douleur apparaît.
C'est donc une douleur qui survient à la marche et qui prend souvent les deux jambes à la fois. Elle devient même si forte qu'elle oblige la patiente à s'arrêter, le temps de récupérer un peu (et que les veines vertébrales se vident). Elle peut alors repartir, mais devra s'arrêter après la même distance, et pour les mêmes raisons.
Le diagnostic est fait par le scanner, qui montre la zone de compression.

Traitement
Le traitement repose sur les injections d'anti-inflammatoire dans le canal vertébral, la rééducation et, en cas d'échec, sur la chirurgie, dont les résultats sont en général excellents.


6.- Le spondylolisthésis dégénératif féminin

Le spondylolisthésis dégénératif survient essentiellement chez la femme, et en général aux alentours de la soixantaine, parfois plus tôt, parfois plus tard. L'hystérectomie totale avant la ménopause en augmente le risque. De quoi s'agit-il ? Le mot spondylolisthésis vient du grec. Il signifie très précisément "glissement d'une vertèbre". Dans le cas du spondylolisthésis féminin, la quatrième lombaire glisse peu à peu sur la cinquième, non pas en raison d'une faiblesse ligamentaire, mais d'une disposition particulière des articulaires postérieures qui, sous l'effet de l'arthrose, changent d'orientation, en pivotant légèrement. L4 tend alors à glisser vers l'avant, en général de quelques millimètres, parfois d'un centimètre puis se stabilise définitivement dans cette nouvelle position (Fig. 16). Ces modifications ne vont pas sans douleurs dans le bas du dos ou dans les jambes, le glissement pouvant étirer le nerf sciatique et léser le disque intervertébral.

Traitement
Le médecin utilise les infiltrations et les médicaments anti-inflammatoires. Il est évidement essentiel de déterminer l'origine réelle de la douleur (disque, articulations postérieures, nerf sciatique, voire autre cause) pour savoir où porter le traitement. En cas d'échec et chez les patientes très gênées, une intervention est possible pour stabiliser le glissement.


7.- Les tassements vertébraux de l'ostéoporose

Si l'ostéoporose débute à la ménopause, il faut au moins dix ans pour que l'os vertébral devienne assez fragile pour être à même de se fracturer. C'est cette fracture que l'on nomme tassement. C'est souvent à l'occasion d'un effort de soulèvement, ou d'une torsion que cela arrive. Mais si la vertèbre est trop affaiblie, le tassement peut survenir de façon spontanée à l'occasion d'un geste minime. Quel que soit le mécanisme en cause, le résultat est identique : une douleur affreuse, en coup de poignard dans le dos qui interdit tout mouvement. Respirer à fond augmente les douleurs, tousser encore plus. Il faut alors, au tout début, rester allongée et ne bouger qu'avec parcimonie. Le soulagement venant peu à peu, il devient possible de marcher, de s'asseoir avec précautions. La douleur met trois à cinq semaines à disparaître, parfois plus, car il s'agit en fait d'une fracture qui doit trouver le temps de consolider.
Seule une radio peut permettre le diagnostic en montrant le tassement lui-même.

Traitement
La calcitonine, une hormone qui agit sur le métabolisme calcique, est souvent utilisée. Elle pourrait être susceptible de hâter légèrement le délai de consolidation. La douleur peut seulement être atténuée par des traitements antalgiques en comprimés ou en piquûes. Le repos est évidement de rigueur les deux à trois premières semaines.


8.- La scoliose, maladie féminine par excellence

Bien que la scoliose ait été popularisée sous des traits masculins (que l'on songe à Quasimodo, dans Notre-Dame de Paris, ou au "Bossu" de Paul Féval), il s'agit avant tout d'une maladie de la femme, huit fois sur dix au moins. La colonne ne se déforme pas seulement en "S" comme on le pense trop souvent, mais d'une façon plus complexe dans les trois plans de l'espace, en pas de vis. Il y a donc une légère rotation de chaque vertèbre par rapport à sa voisine, ce qui différentie la scoliose vraie, structurale, de la simple attitude scoliotique liée, par exemple, à une bascule du bassin (jambe plus courte que l'autre) ou à une attitude antalgique et qui est beaucoup plus fréquente. Dans ce cas, il n'y a pas de rotation des vertèbres les unes par rapport aux autres. La scoliose, lorsqu'elle est importante et qu'elle concerne la colonne dorsale, se traduit par l'apparition d'une gibbosité (ou bosse) qui reflète cette rotation vertébrale.

De même que nous ne connaissons pas les raisons de son écrasante prédominance féminine, les causes de la scoliose restent bien mystérieuses. Certaines sont secondaires à une paralysie des muscles du dos, mais la plupart sont primitives. Les hypothèses les plus solides font intervenir des anomalies de fonctionnement des centres du contrôle postural situés dans le cerveau, qui priveraient la colonne d'informations nécessaires à sa croissance régulière en hauteur. Ces centres seraient sous la dépendance de la glande pinéale, là où Descartes situait l'âme humaine.

La scoliose apparaît durant la petite enfance et s'aggrave lors de la poussée de croissance qui accompagne la puberté. Passé le cap de l'adolescence, elle n'évolue pratiquement plus. Telle qu'elle est, elle demeure. Elle est en général découverte assez tôt, par la mère ou le médecin scolaire mais les formes légères sont pratiquement invisibles, même à l'oeil exercé et passent longtemps inaperçues. Il est vrai qu'une scoliose minime n'entraîne aucun symptôme. Mais après la ménopause, une aggravation peut survenir, progressive au cours des ans. Faut-il incriminer un certain relâchement des tissus de soutient ? Toujours est-il qu'une scoliose parfaitement tolérée et indolore peut devenir, vers cinquante ou soixante ans, une source de douleurs difficiles à traiter.
C'est ainsi que dix à quinze ans plus tard, une scoliose qui était bien supportée peut s'être aggravée et devenir douloureuse, à la fois en raison de l'arthrose qu'elle entraîne dans les zones où la courbure est la plus forte et des tensions qu'elle impose aux muscles et aux ligaments vertébraux.

Traitement
Le traitement n'est pas toujours facile, loin s'en faut et dans certains cas grave, il peut être nécessaire de recourir à la chirurgie. Fort heureusement, la plupart des patientes peuvent être traitées par des mesures simples (médicaments, infiltrations, port d'un petit corset).


9.- Les douleurs du coccyx

Si vous allez voir votre médecin en lui disant que vous avez mal au coccyx, il va sans doute faire la grimace. Les médecins n'aiment pas le coccyx. La (mauvaise) réputation de ce petit segment osseux est inversement proportionnelle à sa taille et à son utilité. Situé entre la pointe inférieure du sacrum et l'anus, le coccyx est constitué de deux à trois petits os peu mobiles. Seule la station assise parvient à le faire bouger de façon significative, en le repoussant vers l'arrière ou vers l'avant. C'est pourquoi celles qui souffrent du coccyx (ce sont très majoritairement des femmes) n'ont mal qu'en station assise.
Je me suis particulièrement intéressé à cette affection à laquelle on ne comprenait pas grand chose il y a quelques années et j'ai eu l'idée de faire des radios en position assise, justement la position où les patientes ont mal, et de les comparer aux radios habituelles, prises debout. J'ai pu ainsi constater que cette douleur mystérieuse était en fait souvent due à un déboîtement du coccyx (luxation) ou à une trop forte flexion de ce dernier, qui ne se produisait qu'en s'asseyant et qui disparaissait lorsque l'on se levait (Fig. 17). Ces anomalies qui traduisent une instabilité du coccyx, sont souvent liées à un traumatisme local, une chute sur les fesses en particulier ais elles peuvent survenir spontanément.
Cette idée, simple comme l'oeuf de Colomb, a débouché sur des traitements plus adaptés et plus efficaces que les simples anti-inflammatoires, reposant sur des injections locales, des manipulations ou l'ablation de la partie malade.

 
XII Les circuits médicaux et paramédicaux du mal de dos
 

Qui consulter lorsque l'on souffre du dos ? Voici en apparence, mais en apparence seulement, une question simple. Si vous avez des douleurs dans le ventre, vous verrez votre généraliste et, le cas échéant, un gastro-entérologue. Si votre tension artérielle est trop élevée, l’avis du cardiologue sera précieux. Tout le monde connait le champ d’action de l’ophtalmologiste ou du pédiatre. Et l’activité du pneumologue n’est un secret pour personne.


1. - Plus de spécialistes que de vertèbres

Mais qui consulter pour le mal de dos ? Quel est donc le nom du médecin spécialisé dans ce domaine ? Le généraliste ? A moins qu'il ne faille voir d’emblée un rhumatologue ? Et pourquoi pas cet excellent ostéopathe dont l’un de vos amis vous a dit tant de bien ? Il est vrai que, dans ce cas, ni les avis ni les conseils ne manquent. Chacun a son spécialiste qui fait des miracles, sa bonne adresse à vous conseiller, son commentaire, une expérience personnelle. Imaginez un diner en ville, huit convives. Lancez la conversation sur le sujet, vous y serez encore à minuit. Pourquoi pas un kinésithérapeute ou un médecin de médecine physique ? Un vertébrothérapeute ? Un acupuncteur ? Un étiopathe même ? Mais qu'est-ce que c'est ? Que peut faire le chiropracteur ? Est-ce que par hasard, un rebouteux... Sans parler de l’orthopédiste, de l’ostéothérapeute, du rééducateur fonctionnel ou du spécialiste en thérapie manuelle voire du mystérieux fasciathérapeute, dont l’activité est aussi difficile à cerner que les connaissances. Une de mes patientes avait même été orientée sur un "dentiste énergétique" par son ostéopathe non médecin, qui, disait-elle comme pour me rassurer, "ne fait que du structurel" (sic)... Et cette liste est probablement incomplète : ils sont nombreux ceux qui s’intéressent à votre dos. Il est donc temps de s’intéresser à eux. Disons d’emblée, pour simplifier, qu’ils se répartissent en deux catégories : les uns sont médecins, les autres pas. Et parmi ces “autres”, certains exercent une activité sérieuse et reconnue, d’autres une activité moins sérieuse, voire franchement fantaisiste (à vos dépends) et non reconnue. Il faut donc être vigilante, et surtout bien informée. Nous voilà donc dans le vif de notre sujet.

Poser un diagnostic nécessite des connaissances médicales. Déterminer un plan de traitement impose de maîtriser l'ensemble des thérapeutiques du mal de dos et de pouvoir choisir, pour un patient déterminé, celui qui sera le mieux adapté à son cas. On comprend que seul un médecin réponde à cette double condition. Chaque année d'étude d'un médecin nécessite un rythme soutenu d'apprentissage et un niveau élevé de savoir. Les sept années d'études au minimum (et souvent dix) sont donc une garantie sérieuse. Mais lequel choisir ? Généraliste ou spécialiste ?


2. - Les médecins généralistes

L’enseignement de la pathologie vertébrale (c’est à dire des maladies de la colonne) tel qu’il est mené au cours des études médicales peut suffire à faire face aux cas simples. Confiez vous d'autant plus volontiers à votre médecin habituel (On dit aussi médecin traitant, ce qui laisse supposer que les autres ne traitent pas...) que vous le connaissez et qu'il vous connaît. Il saura vous conseiller, vous soigner et, le cas échéant, vous orienter sur l'un de ses confrères.


3. - Les rhumatologues

La rhumatologie est la spécialité dévolue aux affections des os et des articulations, ce qui inclue bien évidemment la colonne vertébrale, formée de 27 os et de 120 articulations. Aux sept années de médecine, le rhumatologue a ajouté trois années supplémentaires pour se perfectionner dans ce domaine. Les rhumatologues sont donc les spécialistes du mal de dos. Cependant, au cours de leurs études, ils n'apprennent malheureusement pas les manipulations vertébrales, qui constituent l'un des traitements les plus utiles des problèmes vertébraux. Il existe heureusement des formations complémentaires qui permettent d'acquérir, en un ou deux ans, les gestes usuels de palpation des tissus et les techniques manipulatives de base (voir ci-dessous). Leur formation est alors parfaite. Vous pouvez les consulter directement ou passer par votre généraliste qui pourra vous rédiger une lettre d'introduction.
Notons que dans les pays Anglo-Saxons, en particulier en Amérique du nord, les rhumatologues ne s'occupent pas des douleurs vertébrales, mais seulement des maladies rhumatismales comme la polyarthrite par exemple. Ce qui ne laisse aux patients potentiels que le choix entre le chiropractor et le chirurgien... Point de salut entre les deux ! Pour combler ce vide se développe actuellement dans ces pays un fort courant de "Médecine Orthopédique", spécialité nouvelle qui traite de la pathologie articulaire et vertébrale dite dégénérative (le mal de dos, donc) et qui se place justement en intermédiaire et en décideur entre les deux spécialités sus-nommées. L'ordre des médecins refuse actuellement cette dénomination en France, de crainte que les patients ne la confondent avec la chirurgie orthopédique.


4. - Les spécialistes en rééducation fonctionnelle

Eux aussi ont suivi une spécialisation de trois années après leurs études de médecine. Mais si chacun sait ce que fait un rhumatologue, il n'en est sûrement pas de même pour un rééducateur fonctionnel.
En fait, il en existe deux sortes. Les uns s'intéressent à la rééducation au sens strict du terme. Ils s'attachent à faire remarcher les accidentés de la route, à redonner une autonomie à ceux qui sont plus gravement paralysés, à réinsérer ceux qui peuvent l'être. C'est la rééducation neurologique, qui s'exerce le plus souvent en milieu hospitalier ou au sein de centres privés remarquablement équipés. Son but ultime est de restaurer une fonction défaillante, d'où le terme de rééducation fonctionnelle ou réhabilitation. Elle n'a rien à voir avec les douleurs vertébrales.
D'autres médecins rééducateurs ont suivi une voie différente, celle de la rééducation rhumatologique. Ils s'intéressent à la pathologie vertébrale et, bien souvent, à la traumatologie du sport (entorses, luxations, petites fractures, tendinites diverses...). Le mal de dos est donc aussi leur domaine, comme il est de celui des rhumatologues. Du reste, tenant compte de cette dualité, le nom de cette spécialité est récemment devenu "Médecine Physique et Réadaptation" pour se mettre en harmonie avec nos partenaires européens.


5. - Les médecins "ostéopathes"

Il existe en France des médecins se disant "ostéopathes" ou qui pratiquent, sans en revendiquer le nom, des techniques de soins "ostéopathiques". Pour ceux qui le souhaitent, une compétence en "Médecine Manuelle - Ostéopathie" vient récemment d'être approuvée par l'Ordre des médecins. Mais qu'est ce que l'ostéopathie ? De quoi s'agit-il ?

Histoire de l'ostéopathie

L'ostéopathie est née aux Etats-Unis. Elle fut fondée en 1874 par un médecin, le docteur Andrew Still, qui était également pasteur dans le Middle West. Ainsi, contrairement à la chiropraxie, qui était très matérialiste (certains écrits communistes des années 30 sur l'être humain ("l'homme machine") présentent des analogies avec les théories chiropractiques anciennes), l'ostéopathie (laissons parler A. Still) "est basée sur la perfection de l'oeuvre de la nature, donc de Dieu. Quand toutes les parties du corps humain sont en ordre, nous avons la santé. Quand elles ne le sont pas, c'est la maladie. Le fait de les réajuster fait disparaître la maladie et redonne la santé. Le travail de l'ostéopathe est de rétablir une situation normale dans l'organisme à partir d'une situation anormale. Il en résultera la santé". Et d'ajouter "Le Dieu de la nature a sûrement placé le remède dans la maison où l'esprit demeure... Le pouvoir de guérison de l'homme dépend avant tout de ses connaissances des bonnes positions et de son habileté à ajuster les os, muscles et ligaments et à libérer les nerfs, le sang, les sécrétions et excrétions. Il ne va pas au delà". Tout ceci à une époque où les connaissances concernant les maladies étaient bien modestes. On venait à peine de découvrir les microbes, la radiologie n'existait pas, l'asepsie balbutiait. Alors pourquoi pas l'ostéopathie ? Still ouvrit une école dans le Missouri et forma des disciples. La base des traitements consistait en manipulations vertébrales, mais le champ d'action de la méthode dépassait, de loin, celui des simples douleurs vertébrales. Comme plus tard les chiropractors, les ostéopathes traitaient tout, car "La perturbation d'une des structures de l'appareil locomoteur (os, articulations, ligaments, tendons) peut modifier l'apport nerveux et surtout sanguin aux viscères. La règle de l'artère est absolue". Tout, c'est à dire les oreillons comme le diabète, la tuberculose comme la dysentérie.

Les ostéopathes américains deviennent médecins

L'évolution de l'ostéopathie fut lente. Après la seconde guerre mondiale, les autorités américaines instituèrent une équivalence de fait entre les diplômes de docteur en ostéopathie (DO) et docteur en médecine (Medical Doctor ou MD) car les études des premiers étaient devenues pratiquement similaires aux études de médecine. De ce fait, et devant l'attrait de la médecine, la plupart des DO préféraient exercer cette dernière (ils avaient accès aux mêmes spécialités que les MD, y compris la chirurgie). Aux Etats-Unis, sur environ 20.000 DO, à peine 2000 exercent encore l'ostéopathie manipulative, en restreignant leur champ d'activité aux douleurs de dos.

L'exception française

En France, il y eu très tôt (dès les années vingt) quelques médecins qui s'intéressèrent à l'ostéopathie, donc aux manipulations vertébrales. Ils furent un peu plus nombreux à partir des années cinquante et certains, encore à l'heure actuelle, se considèrent encore exclusivement comme ostéopathes. Mais surtout, grâce à l'action d'un rhumatologue, Robert Maigne, des enseignements universitaires de complément, d'un ou deux ans, se mirent en place d'abord à Paris en 1970 puis dans la plupart des facultés de Médecine, apportant à ceux qui le souhaitent un important complément de formation en pathologie vertébrale. Ce sont les "Diplômes d'université" dits de Médecine Manuelle - Ostéopathie ou de Médecine Orthopédique. Ils sont composés de cours théoriques sur le mal de dos, de consultations commentées et d’apprentissage des techniques de manipulations vertébrales ostéopathiques ou chiropractiques, qui constituent l'un des traitements de base de nombreuses douleurs vertébrales. Vu l’intérêt de ces enseignements, qui n'ont pas d'équivalent dans les autres pays, ils sont non seulement suivis par des généralistes, mais surtout par des rhumatologues ou des médecins de rééducation qui voient là une façon simple d’améliorer leurs compétences techniques. Il faut dire, et nous reviendrons sur ce sujet (voir chapitre "Les traitements du mal de dos"), que les manipulations vertébrales ont maintenant fait la preuve de leur efficacité au travers des nombreuses études scientifiques qui leur ont été consacrées.

Comment reconnaître ces médecins spécialement formés ?

Malgré de récents efforts de standardisation, nous sommes loin de l'homogénéité des titres et des formations. Il y a d'abord ceux qui mentionnent l'intitulé du diplôme qu'ils ont obtenu : "Diplôme universitaire de médecine orthopédique et thérapeutiques manuelles" par exemple, ou encore "Médecine Manuelle - Ostéopathie". C'est une bonne garantie de formation. Il y a aussi des termes plus anciens et non homologués. C'est ainsi que vous trouverez des vertébrothérapeutes, des praticiens de médecine manuelle, des médecins ostéopathes, titres exprimant qu'ils pratiquent les manipulations vertébrales, mais avec des niveaux de connaissances variables en ce qui concerne le mal de dos lui-même. Certains ne pratiquent même "que" les manipulations, ce qui ne me semble pas satisfaisant car le rôle d'un médecin spécialiste est de pouvoir proposer l'ensemble des traitements disponibles selon l'état de son patient, et non pas un seul traitement... L'idéal est un rhumatologue ou un médecin de rééducation sachant (bien) manipuler quand il le faut.


6. - Les chirurgiens orthopédistes

La chirurgie dite orthopédique n'a rien à voir avec les chaussures du même nom. Son domaine couvre tout l'appareil locomoteur : prothèses de hanches, fractures, chirurgie des tendons et des ligaments et, évidement, chirurgie de la colonne vertébrale. Le chirurgien orthopédiste n'est cependant pas de ceux que l'on consulte en première intention lorsqu'on a mal au dos. Sa spécialité est d'appliquer des traitements chirurgicaux et si vous allez le voir pour vos douleurs, il ne peut que leur chercher une solution chirurgicale. Or, opérer un dos est plus sérieux qu'enlever un appendice, et les résultats ne sont pas toujours garantis à 100%. En conséquence, ne voyez un orthopédiste qu'après avoir consulté un médecin connaissant bien le mal de dos et en accord avec lui, pour un avis sur une intervention. L'idéal est d'y aller muni d'une lettre de son médecin résumant le dossier, qui est souvent celui d'une sciatique rebelle ou handicapante.

Nous aurons l'occasion de reparler plus avant des différentes interventions chirurgicales sur le dos au chapitre consacré aux traitements.


7. - Les centres anti-douleur

La mode des centres anti-douleur nous est venue des Etats-Unis. La douleur cancéreuse et neurologique représente le gros de leur recrutement. Il en existe dans toutes les grandes villes françaises. Ces centres, où, par principe, la douleur est considérée comme une maladie à traiter en tant que telle, plus que comme le symptôme d'une lésion, ne constituent une solution que pour quelques très rares cas de douleurs vertébrales. Il est inutile, en tout cas, d'y aller pour un avis diagnostique avant que votre cas n'ait été bien débrouillé par un spécialiste.


8. - Les acupuncteurs

Les acupuncteurs ne sont certes pas des spécialistes du mal de dos, mais des spécialistes d'une thérapeutique qui peut parfois avoir des effets bénéfiques dans certaines douleurs, en particulier lorsque prédominent les contractures musculaires. A essayer, surtout si vous y croyez, mais il y a parfois des résultats étonnants.


9. - Les spécialités para-médicales

Les kinésithérapeutes

Les kinésithérapeutes font trois ans d'études. Ils ne sont pas formés à l'art du diagnostic, qui caractérise la médecine mais à celui du traitement de certaines affections mécaniques de l'appareil locomoteur essentiellement. Ils travaillent donc sur prescription médicale et sont les auxiliaires précieux des médecins rééducateurs, des rhumatologues et des généralistes.
Un traitement kinésithérapique se fait sur la base fréquente de dix à vingt séances de rééducation, au rythme de deux à trois par semaine. Dans le domaine du mal de dos, ces séances peuvent être à but sédatif (par le massage, les techniques de détente et d'antalgie, l'utilisation d'agents physiques tels que la chaleur (parafango, infra-rouges), les vibrations (ultra-sons), les champs magnétiques (ondes courtes, etc ...) ou à but préventif. C'est surtout dans ce dernier cas qu'ils apportent le plus aux patients. Leur rôle est alors, comme nous le verrons, de leur apprendre à prendre conscience de leur dos, des bonnes et des mauvaises postures, de les remuscler et de leur apprendre à protéger leur colonne. Le kinésithérapeute n'est donc pas apte à la prise en charge globale du mal de dos. Il est avant tout le spécialiste de la prévention, mais il peut aider au soulagement de certaines crises.
Il existe d'autres variétés de kinésithérapeutes : méziéristes, thérapeutes manuels, ostéopathes, étiopathes, voire même fasciathérapeutes. Beaucoup seront étudiés au chapitre suivant car il s'agit d'activités... moins traditionnelles. Voyons ici les "méziéristes".

Les kinésithérapeutes méziéristes

Les kinésithérapeutes méziéristes ont suivi l'enseignement de Françoise Mézières, elle-même de formation kinésithérapique et disparue en 1991. Elle avait mis au point une théorie qui attribuait l'ensemble des douleurs vertébrales à un enraidissement des muscles vertébraux, en particulier lombaires. Cet enraidissement serait responsable de tous les maux: "Il n'est que des lordoses" disait-elle, ajoutant: "Ce n'est pas la faiblesse des extenseurs qu'il faut incriminer et combattre, mais leur raideur". Les connaissances actuelles ne vont pas dans ce sens, en insistant justement sur la faiblesse des extenseurs en cas de mal de dos, mais peu importe.
Les kinésithérapeutes méziéristes traitent leurs patients en leur faisant adopter des postures d'élongation de la totalité du corps et en surveillant et modifiant le placement de chacune des articulations de l'organisme. Les séances durent en moyenne une heure, au rythme d'une par semaine pendant un temps indéfini. Si vous avez mal au dos, ne débutez pas un tel traitement sans prendre l'avis d'un médecin spécialiste. Le "Mézières" ne concerne qu'une toute petite minorité de patients, et le traitement est long... Mais bien indiqué, ce type de traitement peut avoir des résultats remarquables sur des douleurs diffuses du dos.

Les écoles du dos

Le saviez-vous ? La première école du dos est née à Montpellier, au début du XIXème siècle, créée par un médecin qui pensait, avec raison, que la gymnastique et les exercices d'équilibreétaient bons pour traiter les déformations vertébrales.
De nos jours, les écoles du dos se sont développées dans les centres de thalassothérapie, de cure thermale et dans certains hôpitaux. La rééducation se fait par petits groupes. Il s'y associe quelques cours sur l'origine du mal de dos, assurés par un médecin, et, souvent, des démonstrations pratiques d'ergonomie vertébrale, indiscutablement utiles. Qu'il soit cependant bien clair que ce ne sont pas quelques notions d'anatomie et d'ergonomie vertébrale qui vont vous débarrasser de vos douleurs.

Les dentistes

Quoique les dentistes ne fraisent pas les vertèbres, ils peuvent avoir un rôle à jouer dans le mal de dos ou, plus précisément, certaines formes de mal de cou. Il arrive en effet qu'un trouble de l'articulé dentaire puise être à l'origine de contractures cervicales douloureuses. Expliquons nous. Si les dents du haut et du bas ne sont pas parfaitement en contact, la mastication va entraîner, à chaque fermeture de mâchoire, un glissement de la mandibule en avant ou sur le coté, d'ou un travail asymétrique des muscles masticateurs et une tension à leur niveau qui peut se propager aux muscles de la nuque. Le travail du dentiste est alors de rétablir une ouverture correcte de la mâchoire (par le port temporaire d'une gouttière) puis, celle-ci obtenue, de repérer les mauvais points de contact qui sont à l'origine du décalage et de les corriger par un meulage sélectif des dents en cause.


Tels sont les spécialistes du mal de dos en France auxquels, à un titre ou à un autre, vous pouvez avoir à faire. A côté d'eux évoluent diverses professions, légales ou illégales, sérieuses ou farfelues, véritable jungle ou ne manquent (heureusement) que les fauves. Ce sont les non médecins. Ils font l'objet du prochain chapitre.

 
XIII Marginaux et illégaux du dos
 

Note de l'auteur lors de la mise en ligne de ce texte (2004) : La loi kouchner (2002) sur les droits des malades a "légalisé" les professions d'ostéopathe et de chiropracteur (ou chiropraticien). Quoique les décrets d'applications ne soient pas encore parus, ces deux professions sont maintenant légales.

L'absence de connaissances médicales n'est apparemment pas un obstacle pour s'occuper du dos de son prochain. La colonne vertébrale a suscité plus de vocations que le cancer ou le sida chez ceux qui pratiquent, d'une façon ou d'une autre, l'exercice illégal de la médecine. Il est vrai qu'il y a moins de risques... Il doit être clair qu'aucun de ces praticiens non médecins dont la liste suit n'est à même de poser un diagnostic précis et documenté sur la cause de votre mal de dos. Ils procèdent par intuition et expérience lorsqu'ils sont sérieux. Dans les autres cas, ils agissent un peu au hasard... Certains (rares, heureusement) sont même franchement dangereux, à l'origine d'accidents scandaleux. Je les ai réunis sous un titre un peu provocateur de marginaux et d'illégaux. L'histoire est ancienne. Elle commence avec les rebouteux. elle est loin d'être terminée.


1. - Les rebouteux

Les rebouteux sont des gens discrets. N'ayant pas fait d'études (en tout cas de reboutage), ils restent en général modestes. Ceci le différentie fortement d'autres non médecins pseudo-spécialistes. Le reboutage est certainement la plus ancienne méthode de diagnostic et de traitement des douleurs vertébrales. C'est aussi la plus universellement pratiquée, dans toutes les cultures et à toutes les époques, y compris de nos jours, et même dans les grandes villes. Quoiqu'il y ait parfois un don qui se transmette de génération en génération, les capacités sont très variables d'un individu à l'autre. Les meilleurs ont souvent une remarquable habileté à palper les tissus.

Pour le rebouteux, la douleur est due à un "déplacement" d'une structure anatomique (vertèbre ou petit os, muscle, tendon ou ligament, nerf...) hors de son emplacement normal. Le traitement a fort logiquement pour but de remettre la structure à sa place. Le rebouteux utilise des manoeuvres de pression, d'étirement, voire de véritables manipulations parfois efficaces. Il peut y associer des frictions fortes ou des "pointes de feu" qui ont une action antalgique certaine.
Cependant, l'absence de toute connaissance médicale ou anatomique rend ces manoeuvres parfois dangereuses. Et les accidents ne sont pas rares. J'ai vu pour ma part une phalange retournée à 90 degrés après une prise un peu vive pour douleur du poignet. Il est vrai qu'après cette audacieuse manoeuvre, la douleur du poignet avait disparu, masquée par celle de la luxation du doigt.
On retiendra surtout du reboutage des expressions passées dans le langage de tous les jours : un muscle froissé, une vertèbre déplacée, un nerf coincé, et la nécessité de les remettre en place...


2. - Les chiropractors

Les chiropractors se proclament "spécialistes de la manipulation vertébrale". La plupart d'entre eux ont fait leurs études aux Etats-Unis, certains en Grande-Bretagne. Quoique leur profession ne soit pas autorisée en France, ils sont près de cinq cents à y exercer. Qui sont-ils?

Une histoire mouvementée

Cette discipline naquit à la fin du siècle dernier de la trouvaille d'un épicier-magnétiseur nommé Palmer qui prétendit avoir rendu l'ouïe à un sourd après lui avoir fait "craquer" le dos. La chiropraxie était née, sous les auspices d'une étymologie parfaite (du grec cheir, la main et praxis, la pratique : pratique avec la main) et d'une théorie simpliste. En effet, Palmer se fixa d'emblée pour dogme que toutes les maladies provenaient de déplacements de vertèbres. Ces déplacements étaient censés coincer les nerfs qui se mettait à "chauffer" et empêchaient l'énergie vitale de circuler librement. Cette énergie vitale était assimilée à de l'électricité, le cerveau à un générateur de courant et les nerfs à des fils électriques.
Dès lors, le diagnostic d'une maladie devenait inutile puisqu'il suffisait d'examiner la colonne, de découvrir la vertèbre "subluxée" et de la "remettre en place" ou plutôt de "l'ajuster", selon la terminologie chiropraxique.

Aux Etats-Unis où elle est née, la chiropraxie a connu un certain succès en raison de l'absence de toute prise en charge médicale des affections douloureuses provenant de la colonne vertébrale. Ces douleurs vertébrales n'intéressaient pas les médecins. Et les chiropracteurs étaient là, qui en faisaient leur pain quotidien. Ils ont déployé un savoir-faire sans précédent pour leur promotion. Leurs slogans étaient tapageurs, tel ce petit dépliant des années cinquante : "Pourquoi est-il mort ?" demande la première page, entourée d'un liseré noir de deuil ; ouvrons le dépliant : "Quelqu'un lui a dit que la chiropraxie pouvait le guérir. Il ne l'a pas cru". Eux-même n'avaient de cesse d'améliorer la représentativité et l'image de leur corporation.

Cette profession a beaucoup changé depuis vingt ans environ. Conscientes de ces faiblesses, les autorités sanitaires des Etats-Unis ont accordé à la chiropraxie une reconnaissance officielle en échange d'une amélioration considérable du contenu des études et d'un relèvement du niveau général. Les praticiens issus des écoles chiropractiques ont vu leur domaine d'action restreint aux douleurs vertébrales et uniquement à elles. Leur enseignement ressemble, en plus simple et sur quatre ans, à celui que connaissent les médecins en pathologie du dos. Il s'agit donc d'une profession dont le niveau de connaissance se place entre le kinésithérapeute et le médecin. Elle répond à une nécessité sociale aux Etats-Unis, pays où un patient ayant mal au dos ne dispose encore actuellement comme consultants possibles que du chirurgien ou du chiropracteur, aucune autre spécialité médicale n'ayant assuré, jusque dans un passé très proche, ce type de soins. Surtout, la chiropraxie a pu mettre sur pied une véritable recherche scientifique (ce que n'a pas su faire l'ostéopathie) de haut niveau. C'est aux chiropracteurs que l'ont doit la plupart des études sur les manipulations vertébrales. Ceci est, à l'évidence, un gage de qualité pour les patients.

La chiropraxie en Europe

En Europe, la situation des chiropracteurs est très variable d'un pays à l'autre. Ils sont officiellement reconnus en Suisse, à condition d'avoir fait leurs études dans certaines écoles agrées. Ils disposent d'une relative liberté d'exercice dans les pays du nord de l'Europe. En France, ils sont peu nombreux. Peut être du fait que les médecins se sont intéressés aux possibilités offertes par les manipulations vertébrales et les ont intégrées à leur pratique. L'idéal est en effet de pouvoir proposer à son patient, parmi tous les traitements possibles, celui qui lui conviendra le mieux.


3. - Les ostéopathes non médecins

Nous devons préciser: "ostéopathes non médecins", car nous avons vu qu'il existe des ostéopathes médecins. Il s'agit ici de kinésithérapeutes, ou de bacheliers à qui l'on a fait miroiter l'attrait d'une carrière enrichissante, sans les contraintes de la profession médicale. Tous flirtent avec l'exercice illégal de la médecine. Certains passent même à l'acte. En effet, ce qui caractérise la situation française, c'est le nombre d'ostéopathes non médecins, en contradiction avec la loi qui réserve la pratique de l'ostéopathie et des manipulations vertébrales aux seuls docteurs en médecine. Dépourvus de contrôle scientifique, livrés à eux-mêmes et cherchant surtout à se différentier de la médecine (en particulier de l'anatomie, qui parait pourtant peu contestable...), les enseignants d'ostéopathie non médicale ont développé des théories hasardeuses et d'allure fantaisiste sur beaucoup de maladies. La différence avec la chiropraxie est frappante : celle-ci fait tout pour s'intégrer au système de soins nord-américain. Elle dispense un enseignement qui tend à se rapprocher des connaissances scientifiques actuelles. Et elle trouve dans ce pays sa place dans le traitement des douleurs vertébrales. Au contraire de ce qui se passe chez nous avec les ostéopathes non médecins.

Mais alors, objectera t'on, s'ils sont si "fantaisistes" que cela, pourquoi donc ont-ils des clients ? Je vois pour ma part deux réponses à cette question. La première tient au fait que les séances de traitement comportent essentiellement des massages qui ne veulent pas dire leur nom et des manipulations vertébrales enrobées de charabia. Autrement dit des techniques qui peuvent être efficaces quand les indications et les contre indications sont respectées, et que beaucoup de médecins du dos utilisent. La seconde raison est d'ordre psychologique. Il y a des gens qui aiment être traités en dehors des circuits classiques car, par principe (ou par suite de mauvaises expériences), ils se méfient de tout ce qui porte un label "officiel". Il y a peut-être une troisième raison, que l'on paut assimiler à de la publicité mensongère : l'affirmation répétée sans cesse (en particulier dans différents journaux) que de nombreuses affections relèvent de l'ostéopathie. Ainsi de l'incitation faite aux parents de faire traiter leurs enfants, même s'ils n'ont rien. "Si vous voulez diminuer les risques de mal de dos à vos enfants (sic), faites-les examiner dès la naissance par un ostéopathe..." proclame un ouvrage grand public plusieurs fois réédité (L'ostéopathie exactement. L. et M. Issartel, R. Laffont éditeur, Paris 1983, p. 265). Voilà qui assure une clientèle à peu de frais, d'autant qu'après le traitement, le nourrisson ne se plaindra pas de son dos pendant longtemps... Ajoutons que rien de ce que l'on sait des douleurs de dos ne permet de prétendre les "pré-détecter", voire les prévenir chez un tout-petit.


4. - Les étiopathes

Nouveaux venus en France, les étiopathes ne sont jamais médecins. Ils sortent d'une école privée suisse, où est dispensé un enseignement pratiquement identique à celui de l'ostéopathie non médicale. Il n'y a donc guère de différence entre ostéopathes non médecins et étiopathes, sinon que ces derniers, par les grâces d'une étymologie très approximative, se proclament être les seuls à traiter la cause des maladies, alors que les autres (tous les autres...) ne traitent que les symptômes. Promesse non tenue, en réalité. Comme leurs proches cousins ostéopathes non médecins, ils pratiquent les mêmes manipulations vertébrales, ni plus, ni moins. Ils y ajoutent parfois quelques prescriptions d'ordre diététique : ne pas manger trop de sucre, éviter les plats en sauce, trop lourds, faire du sport... A défaut de connaissances étendues, ces banalités témoignent au moins d'un bon fond.


5. - Les thérapeutes manuels, les fasciathérapeutes

Les thérapeutes manuels

Sous cette dénomination bizarre (tous les kinésithérapeutes ne sont-ils pas par définition des thérapeutes manuels?), se cache une petite malhonnèteté. Nous avons vu qu'en France, la pratique des manipulations vertébrales est réservée aux médecins, comme l'est l'établissement du diagnostic qui précède leur utilisation. Il s'agit donc de kinésithérapeutes qui pratiquent des manipulations en dehors de tout contexte médical, et qui veulent le faire savoir, mais sans le dire vraiment.

Les fasciathérapeutes

Si l'on en croit leur documentation, il semble que les fasciathérapeutes recherchent "l'infiniment profond". Cette façon unique de jouer avec l'invisible et de travailler l'impalpable fait du fasciathérapeute le plus mystérieux des praticiens du mal de dos. A consulter uniquement si vous avez un problème avec vos fascia, ou par curiosité, pour en savoir plus.


La liste n'est pas close car viendront peut-être un jour s'installer chez nous par la grâce de la législation européenne les "naprapathes" suédois et les "praticiens de santé" allemands... Rude concurrence !

 
XIV Les traitements du mal de dos
 

Nous avons, pas à pas dans ce livre, survolé l'ensemble des douleurs vertébrales qui touchaient la femme. Nous avons vu qu'une douleur était très souvent la conséquence de lésions vertébrales plus ou moins marquée, que des mauvaises postures ou des traumatismes venaient exacerber. Fort logiquement, le traitement de ces douleurs suit ce même schéma.


I. - Les médicaments

Médicaments par voie générale

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont non seulement les plus prescrits des médicaments du mal de dos mais aussi les médicaments les plus prescrits dans le monde (4 à 9% de la totalité des prescriptions des pays industrialisés). Leur efficacité n'est cependant nette que sur les douleurs arthrosiques, qu'elles soient cervicales ou lombaires. Dans les autres cas, elle est modeste et il est raisonnable d'arrêter tout traitement dépourvu d'efficacité après quelques jours d'essai. Evitez la valse des AINS. Si le premier ne marche pas, le deuxième a peu de chance d'être plus efficace
Il n'est pas inutile de savoir qu'un anti-inflammatoire risque de diminuer l'efficacité d'un stérilet. N'oubliez pas de signaler à votre médecin si vous en portez un.
Mais l'inconvénient principal de ces produits est leur relative agressivité pour l'estomac, qui les rend contre-indiqués chez les porteurs ou anciens porteur d'un ulcère ou d'une gastrite. Les pansements gastriques qui sont parfois prescrits avec n'ont qu'une efficacité limitée. En cas de douleurs ou de brûlures stomacales, arrêtez le traitement et prévenez votre médecin. Leur administration par piqures ou suppositoires ne diminue que faiblement ce risque. Les autres effets secondaires figurent dans le tableau.

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Principaux effets secondaires des anti-inflammatoires non stéroïdiens

Effets digestifs : douleurs d'estomacs, nausées, mauvaise digestion, gastrite, ulcère.

Effets rénaux : diminution du flux sanguin rénal, d'où insuffisance rénale fonctionnelle, en particulier chez les gens âgés, où ceus recevant un diurétique ou un inhibiteur de l'enzyme de conversion.

Effets cutanéo-muqueux : éruptions diverses, en général bénignes.

Effets allergiques : chez les patients allergiques, possibilité de réaction allergique cutanée ou respiratoire (asthme), oedème de Quincke.

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Les antalgiques
Les antalgiques ont une efficacité variable. Ils sont le plus souvent dépourvus d'effet secondaire et peuvent être systématiquement essayés devant toute douleur un tant soit peu aiguë.

Les décontracturants musculaires
Les décontracturants musculaires sont souvent des produits dérivés de tranquillisants. Ils sont surtout efficaces en cas de cervicalgie aiguë mais ont l'inconvénient de faire somnoler à fortes doses. C'est pourquoi il est préférable de les prendre le soir au coucher.

Les anti-dépresseurs
Certains anti-dépresseurs ont de réelles propriétés de rééquilibrage des centres nerveux qui modulent les influx douloureux. Nous avons vu que certaines cervicalgies avec des douleurs diffuses étaient liées à un dérèglement de ces centres, situés en particulier dans la moëlle épinière et dans le tronc cérébral (à la base du cerveau). Ces anti-dépresseurs représentent un bon traitement, à condition de bien expliquer à la patiente pourquoi on les lui prescrit (non pas pour leurs propriétés anti-dépressives, dont on se passerait, mais pour leur action spécifique sur la douleur), comment se déroule le traitement (assez long, de quatre à six mois, voire plus) et quels sont les effets secondaires (bouche sèche, constipation...). Il me revient à ce propos le souvenir d'un patient qui avait la fâcheuse habitude de déformer les mots d'une façon parfois comique. Il racontait avoir été suivi par un "osméopathe" qui lui faisait de l'"acupeinture". Voulant savoir si cet "osméopathe" était médecin ou pas, je lui demandai si des médicaments lui avaient été prescrits. Il me répondit que oui, il avait pris des "anti-compresseurs". Le plus amusant est que cet homme était ... mécanicien dans le diesel !

La cortisone
La cortisone en comprimés est très utile dans certains cas de douleur cervicale aiguë ou de névralgie cervico-brachiale. Son action anti-inflammatoire est spectaculaire. On la prescrit pour une durée brève (huit jours en général), ce qui permet d'éviter les effets secondaires fâcheux qui peuvent survenir au delà d'un mois de traitement. Il est nécessaire de suivre un régime peu salé pendant la durée du traitement.

Une règle générale
Combien de patientes prennent depuis des semaines des médicaments qui ne leur apportent rien ! Un traitement anti-inflammatoire qui n'est pas efficace au bout de huit à dix jours ne mérite pas d'être poursuivi. Même chose pour les antalgiques, les décontracturants musculaires... Si ça ne marche pas, arrêtez tout. Vous ménagerez votre estomac et les deniers de la sécurité sociale.

La mésothérapie

Certains injectent des médicaments anti-inflammatoires ou antalgiques par voie sous-cutanée, à l'aide de très fines aiguilles, en injections multiples. Ainsi couvre t'on une large surface, en regard des lésions ou de la zone douloureuse. Cette technique a reçu le nom de "mésothérapie". Quoique son efficacité n'ai pas été formellement prouvée, il semble qu'elle soit utile dans certaines douleurs avec, évidement, beaucoup moins d'effets secondaires que les mêmes médicaments pris per os.

Les infiltrations

Les infiltrations ont une bien mauvaise réputation. Imméritée qui plus est. Ca fait mal, c'est de la cortisone, ça ne fait que masquer la douleur sans soigner la cause, tel est le florilège de remarques acerbes que l'on entend tous les jours... Voyons cela de plus près.
Le principe d'une infiltration est d'injecter un médicament, le plus souvent un cortisonique, au contact de la structure que l'on veut traiter. Il s'agit donc d'un traitement local. La diffusion dans l'organisme est ainsi minorée, l'estomac épargné, la concentration locale plus forte, gage d'une meilleure efficacité. Les doses de cortisone peuvent ainsi être très faibles, surtout si l'on évite les produits retard, et sans aucun effet délétère sur l'organisme, à condition de se cantonner à une ou deux injections au plus dans les cas habituels (trois au maximum) pour une crise donnée.
Mais l'objection la plus forte reste bien sûr que ces injections n'auraient qu'un effet symptomatique de brève durée, qu'elles soulageraient sans soigner... Erreur profonde ! Une lésion vertébrale enflammée n'a aucun moyen de guérir spontanément dans un délai bref. En effet, l'inflammation est par elle-même une réaction chimique irritante qui, par sa présence, créée à nouveau de l'inflammation. C'est la définition parfaite du cercle vicieux. La seule solution est alors de briser ce cercle vicieux en "désenflammant" la lésion. Elle pourra enfin cicatriser tranquillement.
La vérité oblige cependant à dire que les infiltrations ne sont pas toujours efficaces, loin de là. Rien ne sert alors de persévérer. Mais quand elles le sont, quel traitement rapide ! Attention cependant, l'indolence qu'elles peuvent apporter n'est évidemment pas synonyme de guérison. Il faut continuer à prendre toutes les précautions usuelles (en particulier ne pas forcer sur le dos) tant que la lésion initiale n'est pas complètement cicatrisée.


2. - Les manipulations vertébrales

Un grand nombre de douleurs vertébrales peuvent être soulagées partiellement ou totalement et souvent de façon durable par des manipulations vertébrales. C'est souvent même le premier traitement à utiliser car le plus simple et le plus dépourvu d'inconvénient. C'est aussi le seul, il est intéressant de le savoir, qui a fait la preuve de son efficacité en matière de lombalgies, dans des études scientifiques. Tous les médecins qui s'intéressent aux douleurs vertébrales devraient apprendre ces techniques, dont beaucoup sont relativement simples à mettre en oeuvre. Il parait loin le temps où, jeune interne dans un service de rhumatologie, l'un de mes patrons, ne connaissant pourtant pas grand-chose dans ce domaine, m'expliquait qu'une manipulation, c'était comme un coup de poing sur un poste de télévision déréglé : ça pouvait marcher...

Qu'est-ce qu'une manipulation ?

La manipulation est un geste qui, à partir d'un positionnement déterminé du patient (la mise en tension), impose à un ou plusieurs segments vertébraux une rotation, une flexion, une extension ou une combinaison des trois en utilisant des bras de leviers plus ou moins longs (appui sur le bassin, les épaules, le cou, etc. ).
Ce mouvement écarte les petites articulations vertébrales les unes des autres, mais cet écartement est très particulier : il est beaucoup plus rapide et surtout plus sec que le geste qui lui a donné naissance. La même chose se passe si l'on arrache une ventouse d'un mur : on tire d'un geste progressif, la ventouse résiste d'abord, puis lâche très brusquement, lorsque l'air pénètre à l'intérieur par le premier interstice venu. Cette extrême rapidité existe aussi au niveau de la colonne, et pour les mêmes raisons. Les petites articulations vertébrales résistent d'abord au mouvement puis lâchent brutalement et s'écartent l'une de l'autre. Ce mouvement est très minime (peut-être un demi ou un millimètre), mais d'une extrême rapidité, exactement comme la ventouse que vous venez d'arracher du mur. Il est dû au fait que les gaz dissous dans l'articulation se précipitent dans un bulle de vide formée par l'écartement des deux surfaces. Le petit bruit qui l'accompagne, le célèbre bruit de craquement, traduit ce phénomène dont le mécanisme est, toute proportion gardée, celui du bruit d'un coup de feu. Les muscles, tendons et ligaments qui s'attachent sur la vertèbre vont alors être étirés sèchement, ce qui a pour effet de diminuer leur tension et leurs contractures, donc de soulager. Il existe d'autres effets des manipulations sur le disque, sur la mobilité même du segment intervertébral, qui tous vont dans le sens d'une amélioration de la douleur.

Y a t'il un risque à se faire manipuler ?

Comme tout traitement, les manipulations ont leurs indications et leurs contre-indications. Parmi ces dernières, les colonnes fragiles, les lésions enflammées, la présence d'une compression d'une racine nerveuse ou d'une forte contracture musculaire sont au premier plan. Il faudrait y ajouter la crainte de se faire manipuler, en particulier pour la colonne cervicale. Il n'est pas rare en effet qu'une patiente appréhende et se crispe lorsque l'on saisit son cou et que l'on commence à le faire pivoter. Cette crainte ne se commande pas, il faut la respecter. Mieux vaut ne pas essayer quand même et proposer un autre traitement. Le vrai risque est que le diagnostic n'ait pas été fait correctement. Manipuler en force une vertèbre tumorale est très dangereux.

Que peut-on attendre d'un traitement par manipulations ?

Quoique le résultat puisse être très rapide, voire immédiat, il est fréquent qu'il faille attendre 24 à 48 heures pour juger de l'effet d'un traitement manipulatif. Une réaction à type de courbatures ou d'exacerbation douloureuse est fréquente le premier jour. Dans ce cas, l'aspirine ou un bain bien chaud ont souvent un effet sédatif excellent. Un traitement par manipulation peut être commencé d'emblée ou après un traitement anti-inflammatoire par voie générale (comprimés) ou locale (infiltration) lorsque l'état de la colonne le nécessite. Il comporte deux, trois ou quatre séances, rarement plus. En fait, on doit pouvoir juger très vite de son efficacité et mettre en route un autre traitement si la douleur persiste.


3. - Les contentions

L'immobilisation d'une région enflammée ou douloureuse est un excellent traitement. Mis à part le repos au lit parfois imposé par l'intensité extrême de la douleur, la contention lombaire peut être assurée par un lombostat rigide ou une ceinture. Au cou, c'est à la minerve ou au collier souple que l'on s'adresse.

Le lombostat rigide

Le lombostat rigide est fait de bandes de résine ou de plâtre, fendu sur le devant pour pouvoir s'enlever. Il est surtout utilisé pour les douleurs aiguës (lumbago, sciatique) et doit être porté 3 semaines, du matin au soir. Son intérêt est triple : Tout d'abord, l'immobilisation apporte une antalgie remarquable. D'autre part, le corset empêche les gestes ou mouvements susceptibles de déclencher la douleur. Il oblige à une nouvelle gestuelle et constitue le premier pas d'une bonne éducation vertébrale. La troisième raison est théorique : de même que l'on plâtre une entorse de cheville, il parait logique d'immobiliser le rachis lombaire pour favoriser le processus de cicatrisation discale.
Une dernière précision : le lombostat n'atrophie pas les muscles, pour la bonne et simple raison que les muscles servent à la verticalisation de la colonne. Et que le lombostat ne supplée pas cette fonction. Il ne fait qu'empécher le mouvement lombaire. Tous ces avantages ne doivent pas dissimuler le fait que certains ne supportent pas l'impression d'être prisonnier d'un "carcan".

Un lombostat peut se porter sous les vêtements ou par dessus. Dessous, il peut se dissimuler sous une robe un peu ample. Dessus, il devient très discret si l'on prend soin de s'habiller d'une jupe ou d'un pantalon clair ou blanc (la couleur du corset). En revanche, il est difficile de le porter dessous en s'habillant d'un pantalon.

Les ceintures de maintien

Les ceintures de maintien sont en tissu élastique pourvu d'un baleinage. Elles n'ont pas d'effet de contention réel mais elles compriment les abdominaux et exercent un effet de rappel lombaire.

La minerve

La minerve est en fait un collier rigide réservé aux torticolis ou aux névralgies cervico-brachiales. Sa rigidité la rend souvent désagréable à porter. Le collier cervical mousse n'a pas cet inconvénient et est donc plus souvent prescrit. Il faut le porter une heure ou deux, et quand il devient trop inconfortable, l'enlever, jusqu'à ce que l'on ressente le besoin de le remettre.


4. - La physiothérapie

La physiothérapie groupe différents types de traitements. Le massage, la plus ancienne de toutes, a une action sédative. De même la chaleur, que ce soit sous forme de parafango, d'infra-rouges, ou d'ondes courtes en champ électrique. Les ultra-sons entraînent une vibration des tissus et sont utilisés sur les muscles et tendons. Peu de ces procédés ont été évalués scientifiquement. Seules les ondes courtes en champ magnétique ont fait l'objet d'une étude contre placebo, dans mon service de l'Hôtel-Dieu de Paris, prouvant leur efficacité, en particulier en cas de cervicalgie.


5. - La rééducation

Quel lombalgique n'a pas, un jour ou l'autre, eu en mains une ordonnance pour 20 séances de rééducation ? Le succès de cette prescription est malheureusement, selon toute probabilité, plus en rapport avec une mauvaise prise en charge du mal de dos qu'avec l'efficacité des séances. Il est courant de voir des patients (dans les deux sens du terme) en ayant supporté plusieurs centaines, sans aucune aggravation d'ailleurs. Autant dire que la rééducation n'est pas une panacée.

Pendant longtemps, l'on a prétendu que pour prévenir les lombalgies, il fallait faire travailler les abdominaux. Puis l'on prétendit le contraire, mais sans plus de preuve : il fallait muscler le dos. Malgré ces changements de cap, la rééducation reste indispensable dans les cas chroniques, soit sous forme de verrouillage lombaire, soit sous forme de musculation. Voici pourquoi. En matière de mal de dos, il s'agit d'éduquer, et non de rééduquer. La rééducation n'est pas un traitement mais une prévention. Elle s'adresse donc à des patients guéris ou en cours d'amélioration.
Son but est d'abord de faire prendre conscience au patient de sa région lombaire, de sa position et de ses mouvements; puis d'apprendre à la maîtriser, à rectifier une mauvaise position.
Le stade suivant est d'apprendre à "verrouiller" la colonne lombaire en position neutre, c'est à dire de la garder verticale et solidaire du plan des épaules en toute position. Flexion et rotation sont donc interdites, dans le but de préserver la charnière lombo-sacrée. Faire travailler les jambes devient indispensable : assouplissement des hanches et musculation des cuisses font partie du traitement.
Enfin, il faudra apprendre à mettre en pratique ce verrouillage dans toutes les positions de la vie quotidienne : en se levant de son lit, en passant l'aspirateur, en soulevant une charge, etc. On comprend que tout lombalgique chronique doive, un jour ou l'autre, bénéficier de cet apprentissage, qui nécessite 15 à 20 séances.
L'idéal est de compléter ces séances chez soi par des exercices quotidiens de renforcement de la musculature du tronc. Il a en effet été montré que la lombalgie chronique s'accompagnait d'une démusculation des abdominaux et surtout des muscles lombaires. Demandez à votre kinésithérapeute de vous montrer les exercices les plus adaptés à votre cas.

Les écoles du dos insistent aussi sur l'ergonomie (domestique ou professionnelle) et délivrent une information succinte sur la colonne vertébrale, mais rien ne remplace le travail actif des patients eux-mêmes.

La rééducation des cervicalgies s'inspire des mêmes principes que la rééducation lombaire.


6. - Les cures thermales et la thalassothérapie

Les cures thermales sont un mode de traitement très ancien, puisque certaines villes d'eaux sont nées sous la colonisation romaine. Il y a vingt ans, il était de mode de dénigrer les cures thermales, de laisser sous-entendre qu'il s'agissait d'un simple placebo et que l'argent dépensé là l'était inutilement. Les plus virulents étaient d'ailleurs ceux qui s'y connaissaient le moins dans ce domaine. Les choses ont changé. Des études sont venues confirmer l'impact favorable des cures dans le domaine rhumatologique (aussi bien pour des affections chroniques de la colonne que des grosses articulations), en terme de diminution de la douleur, de régression du handicap et d'une moindre consommation de médicaments pendant les trois à six premiers mois qui suivent la cure. La cure combine en effet en trois semaines des traitements utiles : rééducation et balnéothérapie, école du dos, repos. Les deux grandes stations françaises sont Aix-les-Bains et Dax, mais il existe une foule de petites stations, moins fréquentées, plus calmes, et où un séjour est tout aussi profitable (voir tableau).
La thalassothérapie vise une clientèle différente, plus jeune, plus active (ce sont surtout les retraités qui peuvent bénéficier des trois semaines de cure). Les soins offerts, s'ils concernent aussi le mal de dos, s'adressent également à la diététique, à la détente, dans une atmosphère parfois plus luxueuse. Les tarifs sont plus élevés, et la prise en charge par la Sécurité Sociale ne concerne que les soins kinésithérapiques. Les principaux centres sont situés en Bretagne et sur la façade atlantique, mais il en existe aussi en méditerranée.


7. - Les thérapeutiques comportementales et cognitives

Dernières nées dans la prise en charge des douleurs rebelles et handicapantes, ces thérapeutiques se pratiquent en groupes et ont pour but d'apprendre aux patients à les maîtriser. Par des échanges avec d'autres malades, par un travail d'introspection, ils apprennent à mieux la connaître, à ne plus en avoir peur en la considérant comme une chose rationnelle. On les invite à chercher les facteurs qui l'augmentent (tension, anxiété, soucis, crainte) et ceux qui la calme (relaxation, penser à autre chose) et à préférer les seconds aux premiers. Ils doivent prendre conscience de leurs réactions et de celles de leur entourage lorsqu'ils ont mal, et, si possible modifier leur comportement. Le soutient mutuel rend plus efficace encore ce véritable travail de déconditionnement dont les résultats sont intéressants.


8. - La chirurgie

La chirurgie du dos fait souvent un peu peur. L'idée de toucher à la colonne vertébrale est mal vécue. Tout dépend du problème à traiter, et, sous cet angle, il faut distinguer la chirurgie de la sciatique et celle de la lombalgie qui sont totalement différentes.

La chirurgie de la sciatique

La plus ancienne des deux est celle de la sciatique, puisque c'est en 1933 que fut opérée la première hernie discale. Par la suite, cette opération connut un grand succès en raison de sa relative simplicité et de ses bons résultats. Actuellement, la tendance est à privilégier le traitement médical, car l'on sait que la hernie va peu à peu se "dégonfler" et disparaître. Mais ce n'est pas toujours le cas.

Quand opère t'on ?
On opère donc les sciatiques que le traitement conservateur n'arrive pas à soulager suffisamment et qui se sentent handicapés par la douleur. Il faut se donner un délai d'environ un à deux mois, selon l'intensité de la sciatique. On peut bien sûr attendre plus longtemps, il n'y a pas de risque particulier. On peut aussi opérer plus vite si la douleur est vraiment intolérable et handicapante. Les seuls cas réellement urgents sont ceux avec paralysie importante ou troubles urinaires. Dans tous les cas, le patient oit être prêt du point de vue psychologique.

La course à la cicatrice
"Petit chirurgien, petite cicatrice, grand chirurgien, grande cicatrice". Cet adage rétro remonte aux débuts de la chirurgie hospitalière, où seuls les "grands" osaient ouvrir largement. Les chirurgiens du dos ont commencé de la sorte. Les patients opérés dans les années cinquante se voyaient affublés de balafres de vingt centimètres propres à impressionner la famille et l'entourage. Les progrès venant, les cicatrices se réduisirent. Avec l'avènement de la micro-chirurgie, on atteignit quinze millimètres. Le chirurgien utilisait une loupe opératoire, et des instruments plus fins. Un inconvénient, toutefois, sa visibilité était fortement diminuée et il ne pouvait voir complètement le nerf, ce qui ne permettait pas toujours une intervention complète. Je préfère les techniques actuelles non micro-chirurgicales, qui font des incisions d'environ cinq centimètres, tout à fait acceptables. Certains, dans des cas choisis, restent fidèles à la microchirurgie.

Comment se passe l'opération ?
L'opération se fait sous anesthésie générale et consiste à gratter l'intérieur du disque pour en enlever le noyau et la hernie qui s'en est détachée. Il faut compter sept jours d'hospitalisation et un mois à un mois et demi d'arrêt de travail. La rééducation n'est pas indispensable. Le dos reste fragile pendant environ six mois.

Y a t'il des complications ?
Aucune opération n'est sans risque et jamais le résultat n'est totalement garanti. Les complications de l'anesthésie générale et de la chirurgie en général sont liées au terrain : phlébites, infections, et très exceptionnelles chez les sujets jeunes. L'intervention elle-même est sans risque particulier. Les résultats sont bons lorsque la hernie est grosse. Quand elle est petite ou pas très nette, ils peuvent être moins bons. On n'opère donc que des cas sélectionnés. Il y a tout de même quelques mauvais résultats liés à l'apparition d'une fibrose post-opératoire.

La chirurgie des douleurs lombaires sans sciatique

Les lombalgies en rapport avec une détérioration discale peuvent aussi bénéficier d'une intervention chirurgicale qui consiste à bloquer le ou les disques malades en soudant entre elles les vertèbres qu'ils séparent. Cette opération, nommée "arthrodèse" se fait avec un apport d'os spongieux (greffe) appliqué sur les vertèbres. Des plaques de titane vissées dans l'os assurent en général la solidité du montage. C'est donc une opération importante.
Le disque étant bloqué, il ne devrait plus y avoir aucune douleur. D'où vient alors la réticence des médecins et des chirurgiens ? Certes, il s'agit d'une grosse intervention, longue, délicate, quoique sans risque particulier. Mais la vraie raison tient aux résultats. On peut considérer que 70% des opérés sont très améliorés voire guéris. Mais l'intervention augmente le risque de dégénérescence du disque sus-jacent à l'arthrodèse (qui doit assurer à lui seul la mobilité du rachis lombaire bas). Et les parmi les 30% d'échec, certains souffrent plus après qu'avant. Nous savons en effet que dans certains cas, la lombalgie n'est pas seulement une maladie vertébrale mais un trouble profond de la régulation et de la perception des sensations douloureuses, les lésions lombaires pouvant être modérées. Les micro-lésions créées par l'intervention elle-même deviennent alors source de nouvelles douleurs.

La solution réside dans une prudente sélection des candidats à l'arthrodèse. Il faut des lésions discales évoluées. Il faut que les traitements conservateurs aient épuisé leurs effets. Il faut qu'un corset rigide ait été porté et qu'il soulage au moins partiellement la douleur (car lui aussi bloque un peu la charnière lombo-sacrée). Il faut enfin que le médecin prescripteur connaisse bien son patient et sa psychologie et l'ai suivi suffisamment longtemps pour apprécier la gène réelle. C'est dire l'intérêt d'une bonne collaboration entre le médecin, le ou la patiente et le chirurgien, ce dernier ne disposant pas à lui seul de tous les éléments.

On a récemment proposé des alternatives à l'arthrodèse, en utilisant des ligaments artificiels pour attacher l'une à l'autre les vertèbres. Ces ligaments, fixés à l'arc postérieur, les verrouillent en lordose, sans toutefois supprimer tout mouvement. Bien que les résultats semblent intéressants, plus de recul est nécessaire pour juger de l'intérêt de la technique et de ses éventuels avantages face à l'arthrodèse classique.
La prothèse discale est le dernier témoignage en date de l'escalade thérapeutique. Il s'agit d'une intervention lourde, non dépourvue de risques. Le comportement à long terme de la prothèse n'est pas connu.


7. - La rhizolyse

La rhizolyse est utilisée pour dénerver une ou plusieurs articulaires postérieures. L'on doit cette idée à un "médecin volant" australien, Rees. Il introduisait pour cela un petit bistouri d'ophtalmologiste à l'aveugle au contact de la colonne et grattait consciencieusement l'os, espérant ainsi trancher les fibres nerveuses. Il y avait quelques hématomes, mais surtout, Rees proclamait 99% de guérisons. Quoique ce pourcentage fasse irrésistiblement penser à une élection truquée, l'idée était intéressante et fut reprise aux Etats-Unis en utilisant une aiguille spéciale introduite sous contrôle radioscopique au contact de la branche postérieure. Grâce au passage d'un courant, l'extrémité de l'aiguille chauffe et cautérise le nerf. L'intervention, menée sous anesthésie locale, n'est quasiment pas douloureuse.
Son efficacité réelle se situe aux alentours de 60% d'améliorations franches. Ce procédé a souffert de son absence d'évaluation en double aveugle et reste peu pratiqué. Là aussi, la sélection des patients est primordiale. On doit réserver la rhizolyse aux patients soulagés temporairement par des infiltrations articulaires postérieures. Les échecs s'expliquent sans doute par l'innervation complexe de ces articulations, provenant de plusieurs nerfs à la fois, pouvant plus ou moins repousser, et parce que la douleur vertébrale est pluri-factorielle. En contre-partie, la rhizolyse est totalement anodine.

 
XV Vingt questions sur le mal de dos
 

Il y a cent questions que l'on se pose concernant le mal de dos. Tout au long de ce livre, nous en avons vu beaucoup. Mais il en est qui par la fréquence avec laquelle elles reviennent méritent un chapitre spécial. Le voici.

1. - Le mal de dos est-il un rhumatisme ?

Curieusement, certaines personnes sont plus inquiètes de savoir que leur mal de dos pourrait être un "rhumatisme" que de leur mal de dos lui-même ! Au mot "douleur", le Petit Larousse donne justement un synonyme: "Rhumatisme". Et dans l'esprit de beaucoup, le rhumatisme est associé au grand âge, aux doigts qui se nouent et aux douleurs diffuses. Mais qu'est-ce qu'un rhumatisme? Un ensemble de maladies très variées dont le point commun est une inflammation d'une ou plusieurs articulations (y compris les articulations de la colonne) qui apparaît un beau jour, dure plus ou moins longtemps et disparaît en laissant parfois subsister une raideur. C'est ce qu'exprime la racine grecque "rheuma", "je m'écoule", racine que l'on retrouve dans le banal rhume. La plupart des "rhumatismes" touchent les articulations des doigts, les poignets, les genoux ou les hanches. Il n'y a qu'une maladie rhumatismale qui atteint préférentiellement la colonne, c'est la spondylarthrite. Cette maladie touche surtout des hommes jeunes, mais parfois aussi des femmes. Elle se traduit par des poussées d'inflammation qui touchent d'abord les articulations sacro-iliaques (tantôt l'une, tantôt l'autre) puis la colonne lombaire et dorsale. Il peut s'y associer des douleurs des talons, des côtes, des hanches même. Les anti inflammatoires sont très efficaces mais doivent être poursuivis longtemps, car les poussées peuvent durer plusieurs mois. Les autres douleurs vertébrales ne sont pas d'origine rhumatismale mais plus simplement dégénérative.


2. - Ne suis-je pas trop jeune pour avoir de l'arthrose ?

L'arthrose de la colonne est très différente de l'arthrose de la hanche ou des genoux par exemple. Dans ces deux derniers cas, il s'agit souvent d'une arthrose qui correspond à un amincissement du cartilage articulaire. Elle risque d'entraîner rapidement des douleurs plus ou moins gênantes. L'arthrose vertébrale, elle, est très fréquente et le plus souvent indolore. Il n'y a pas de lésion cartilagineuse mais un affaissement plus ou moins marqué du disque en raison de sa structure même (déshydratation du noyau discal) et ce sans conséquences graves la plupart du temps. L'arthrose vertébrale commence effectivement assez tôt dans la vie, souvent vers 40 ans, parfois avant en particulier au niveau du cou. Sa survenue est pratiquement inéluctable, contrairement à l'arthrose de hanche ou du genou. Pas d'inquiétude donc.


3. - Le mal de dos est-il héréditaire ?

Pourquoi pas ? Laissez-moi vous parler d'un travail scientifique présenté par des chercheurs finlandais et américains lors d'un congrès médical sur le mal de dos, en 1995. Ces médecins avaient examiné 115 vrais jumeaux en leur soumettant un questionnaire ayant trait à leurs habitudes de vie, leur travail et d'une façon générale aux contraintes que subissent quotidiennement leurs colonnes vertébrales. Puis ils leur avaient fait passer une IRM. Dépouillement des résultats, confrontation des questionnaires et des images du dos : même avec des contraintes lombaires très différentes, deux vrais jumeaux avaient des disques qui se ressemblaient beaucoup. Les anomalies discales observées étaient expliquées à 7% par les contraintes de travail, à 10% par l'âge et à plus de 50% par l'hérédité. Nous avons les disques que nous ont légués nos parents. Ce que nous en faisons n'a finalement pas beaucoup d'importance...
Mais attention, il s'agit ici de dégénérescence discale, c'est à dire du vieillissement plus ou moins rapide du disque. Ce n'est pas le mal de dos, qui n'en est que la traduction clinique éventuelle. Il est si fréquent qu'il est bien difficile de démêler l'hérédité du hasard.
Cependant, en dehors de la dégénérescence discale, d'autres lésions paraissent liées à l'hérédité, en particulier la scoliose et, moins fortement, le spondylolisthésis. De même les hernies discales de l'adolescent, souvent sévères, qui peuvent traduire un "défaut de fabrication" du disque (il est trop jeune pour avoir subi beaucoup de contraintes) sont souvent "de famille".
Mais finalement, plus que le mal de dos, si fréquent, ne serait-ce pas l'absence de mal de dos qui est héréditaire ? La question mérite au moins d'être posée...


4. - Quand faut-il consulter quand on a mal au dos ?

Beaucoup de gens souffrent de leur dos, mais n'arrivent pas à se décider à venir consulter un médecin. Ils pensent que leur crise n'est pas grave et qu'elle va guérir toute seule. Ou bien ils ignorent qui aller voir, pensant que leur généraliste ne pourra pas faire grand chose. Pourtant, le mal de dos se soigne. Des spécialistes travaillent, la recherche avance et les cas sans solution sont vraiment rarissimes. Traîner ne sert à rien.
Je conseille de prendre deux éléments en compte pour savoir si vous devez ou non consulter. Le premier est la gène ressentie, le second le caractère nouveau de votre douleur.
La gène comprend non seulement l'intensité de la douleur mais aussi son retentissement sur vos activités quotidiennes. Chaque geste douloureux, chaque position inconfortable la pérennise, l'entretient, la réactive et la prolonge. Essayez dans un premier temps un peu d'aspirine, ménagez-vous, évitez autant que possible de la déclencher en éliminant toutes les activités non indispensables (sport, bricolage en particulier). Si elle persiste, consultez.
Si cette crise est la première, raison de plus. Au contraire, si vous avez déjà souffert de façon identique auparavant, et si les autres fois, la douleur a disparu d'elle-même, alors vous pouvez patienter.
Il existe une troisième catégorie de motifs à consulter rapidement un médecin, c'est la présence de signes de gravité, que les anglo-saxons nomment plaisamment "red flags" (les drapeaux rouges) : douleur à recrudescence nocturne, qui fait craindre une inflammation sévère, paralysie d'une jambe ou d'un bras, même légère (difficultés à remuer les orteils par exemple), troubles pour uriner au cours d'une sciatique, fièvre ou mauvais état général (amaigrissement, perte de poids), qui évoque une infection ou une tumeur.


5. – Existe t'il un risque à ne pas consulter si l'on souffre ?

En dehors des cas avec signes d'alarme (voir ci-dessus), et contrairement à ce qui se passe pour une rage de dent par exemple (qui peut se compliquer d'abcès), il n'y a pas grand risque à laisser évoluer une douleur de dos, sinon de continuer à être gêné. Mais il se pourrait bien que dans certains cas, la persistance de la douleur, donc des lésions qui la provoquent, soit néfaste. Certaines d'entre elles correspondent en effet à des poussées d'inflammation, à des compressions de nerf ou à des déchirures discales susceptibles de s'aggraver en l'absence de traitement. La prudence doit prévaloir et dans le doute, comme on dit en médecine, l'on ne s'abstient pas.


6. - On m'a dit que j'avais une vertèbre déplacée...

Je ne connais pas de diagnostic plus frappant, plus simple et plus parlant que la "vertèbre déplacée". L'inventeur de la formule mériterait un prix de communication médicale... si elle n'était fausse ! Les vertèbres ne se déplacent malheureusement pas, ni ne glissent (sauf le cas très particulier du spondylolisthésis). Elles sautent encore moins. Un diagnostic... déplacé, donc, comme l'est sa variante proche, le "bassin déplacé", diagnostic fétiche et quasiment obsessionnel des ostéopathes non médecins ("Mon ostéopathe m'a remis le bassin en place"). Tout au plus, une vertèbre peut-elle se "bloquer" (ne plus bouger) en raison de la contracture musculaire péri-vertébrale. Du reste, la douleur du dos vient beaucoup plus souvent des disques intervertébraux, des muscles, des ligaments ou des nerfs que des vertèbres elles-mêmes.


7. - J'ai les reins trop cambrés. Est-ce pour cela que j'ai mal ?

La lordose lombaire (nom scientifique de la cambrure) a, en France, une abominable réputation. Le dos trop creusé est considéré comme une cause évidente de douleurs lombaires. Des centaines de milliers de prescriptions de rééducations ont été (et sont encore) rédigées pour diminuer la lordose lombaire des patient(e)s lombalgiques. Ceci ne repose sur aucune notion sérieuse. Il n'y a aucun parallélisme entre cambrure naturelle et douleur. Les dos trop creusés peuvent avoir leurs problèmes spécifiques (spondylolisthésis par exemple), mais les dos "normalement" ou pas assez creusés ont aussi les leurs. Cette légende vient peut-être du fait qu'un dos trop creusé en bas est synonyme d'attitude relâchée, voire négligente, de mollesse... notions associées plus ou moins inconsciemment à l'idée de douleurs.


8. - Que puis-je faire contre l'arthrose ?

Il n'y a malheureusement pas grand chose à faire contre l'arthrose vertébrale. Aucun traitement médicamenteux n'a d'action préventive sur elle, contrairement à certaines arthroses de hanche ou de genou dont l'évolution peut être maintenant un peu ralentie. En fait, il y a une différence de nature entre une articulation comportant du cartilage et le disque intervertébral. Ce dernier écarte les vertèbres comme un pneu soulève la voiture du sol. Quoi que l'on fasse, le pneu va se dégonfler peu à peu avec le temps. De même le disque va se déshydrater et les vertèbres se rapprocher. Le cartilage, lui, est beaucoup plus stable. Il ne se déshydrate pas. Autrement dit, l'arthrose vertébrale est pratiquement constante au delà d'un certain âge, et peut être considérée comme quelque chose de normal si elle reste modérée.


9. - Qu'est-ce qu'une "protrusion du disque" ?

Vous avez lu votre compte-rendu de scanner et vous avez découvert que vous aviez une "protrusion". Comme vous ne savez pas ce que c'est, vous avez ouvert votre dictionnaire. Mais pas de trace de protrusion entre "protractile" et "protubérance" (qui a pourtant la même racine latine)...
Il s'agit d'un mot anglais, qui témoigne d'une poussée du disque vers l'arrière, localisée à droite ou à gauche. C'est en fait le stade qui précède la hernie discale. La protrusion est moins volumineuse qu'une hernie. Elle est souvent plus durable aussi. Il y a en général peu de risque qu'elle se transforme en vraie hernie. Il s'agit en fait de deux maladies différentes. Pour plus de précisions, reportez-vous au chapitre sur le mal de dos de la femme jeune. Le bulgus est encore autre chose. C'est un bombement régulier et symétrique du disque. Il est regrettable qu'il règne une certaine confusion sur ces trois termes dans certains compte-rendus radiologiques.


10. - Hernie discale et sciatique, c'est pareil ?

Presque, mais pas tout à fait. Tout d'abord, la hernie est une lésion de la colonne, la sciatique une sensation (douloureuse). En fait, la plupart des hernies discales donnent des sciatiques, mais pas toutes. Certaines ne donnent que des douleurs lombaires (sans douleur dans la jambe), et d'autres peuvent même ne donner aucun symptôme (si elles ne sont pas trop grosses). D'autre part toutes les sciatiques ne sont pas dues à une hernie discale. Certaines sont causées par une compression du nerf d'origine arthrosique, d'autres par une irritation chimique du nerf sans compression. Pour chacune de ces situations, le traitement sera différent.


11. - Vais-je finir paralysée ?

Si vous vous posez la question, rassurez-vous, il n'y a aucun risque. Encore moins de finir dans un fauteuil roulant. Les douleurs communes n'évoluent jamais vers une paralysie. Il y a une exception, c'est la sciatique paralysante. Son installation est tellement soudaine que la seule question que l'on puisse se poser à son sujet est : "Est-ce que cette paralysie va durer ?" Elle est d'ailleurs d'importance très variable. Elle peut aller de l'atteinte d'un seul muscle à celle de toute la jambe. Son pronostic est imprévisible et le bénéfice de l'opération n'est pas établi avec certitude. La récupération se fait surtout au cours des quatre premiers mois, quoiqu'elle puisse demander parfois douze à dix-huit mois. Elle n'est pas toujours complète.


12. - Le mal de dos se traite t'il par le repos ?

Faut-il se mettre en arrêt de travail en cas de douleur aiguë ? Beaucoup de médecins conseillent le repos strict au lit. Méditez cependant l'histoire du premier opéré de hernie discale. C'était en 1932 à Boston (Etats-Unis). Avant toute intervention, le chirurgien, prudent, le mit au lit. Un an. Et un an plus tard, comme il souffrait encore, il se décida à l'opérer... C'est un cas extrême, mais un alitement imposé de trois à quatre mois était monnaie courante à cette époque.
On ne conseille plus guère de rester si longtemps au lit actuellement, ne serait-ce qu'en raison du risque de phlébite. En fait tout dépend de l'intensité de la douleur. Si elle est vraiment très forte (sciatique ou lumbago hyper-algique), mieux vaut rester allongé quelques jours. Une sciatique qui reste hyper-algique malgré quinze jours de repos au lit mérite d'être opérée. Quant aux lumbagos, leur phase aiguë et incapacitante ne dépasse pas une semaine.
Dans les autres cas, en particulier lorsque la douleur est relativement modérée, il a été démontré que le repos ne servait à rien, voire même qu'il était nocif ! Il rend le patient passif, ce qui ne l'incite pas à se prendre en charge. Autant que possible, essayez de continuer votre travail quotidien, au besoin avec un petit corset rigide qui maintiendra votre dos et lui épargnera des fatigues inutiles. Les arrêts de travail qui se prolongent sont un très mauvais signe. Au delà de six mois d'inactivité, un patient n'a pratiquement plus aucune chance de reprendre un jour son travail et devient un "invalide".


13. - J'ai une jambe plus courte que l'autre

Il est fréquent de constater chez des patient(e)s la présence d'une asymétrie de longueur des membres inférieurs. Quel rapport avec le mal de dos ? Tout d'abord, une telle asymétrie est fréquente et, en règle générale, modérée (5 à 10 mm). Une des causes classiques est la survenue d'une fracture dans l'enfance (mais attention ! la fracture stimule la production d'os et va donc allonger la jambe. C'est l'autre jambe qui paraîtra plus courte par comparaison). Il n'est pas sûr qu'une différence de longueur ait un rôle nocif ; le contraire est même probable, ainsi qu'en témoigne l'absence habituelle de tout problème de dos après la pose d'une prothèse de hanche (qui peut raccourcir ou allonger un peu la jambe. En cas de doute, rien n'empêche le port d'une petite talonnette du côté le plus court pendant un mois environ. Si l'on se sent mieux avec, on la gardera. Dans le cas contraire, on n'aura pas pris de grands risques.


14. - Y a t'il une alimentation particulière qui puisse faire éviter le mal de dos ?

Aucune alimentation particulière n'est capable d'éviter le mal de dos. Néanmoins, la prévention de l'ostéoporose passe, en partie, par un apport quotidien d'au moins 1,2 grammes de calcium. Les produits laitiers et surtout les fromages à pâte dure et cuite en contiennent beaucoup.
Par ailleurs, il était habituel de dire que la caféine augmentait légèrement les contractures musculaires, rendait anxieux et amplifiait les sensations douloureuses, tout cela pouvant bien sûr exacerber les douleurs de dos. Une étude récente a prouvé qu'il n'en était rien, en montrant l'absence de lien entre la consommation de café et lombalgies. Cependant, la caféine pourrait avoir un impact négatif sur le sommeil, et l'on sait que les douloureux chroniques dorment mal. Donc pas trop d'excitants (café, tabac) avant de se coucher. Mieux vaut un repas léger le soir.


15. - Et si je maigrissais, aurais-je moins mal au dos ?

Sans doute pas. Cette réponse paradoxale, peu de médecins vous la feront. Elle me semble pourtant logique. Car qu'est-ce que l'obésité, ou même le simple surpoids, sinon une accumulation de graisse dans les cuisses et l'abdomen pour l'essentiel ? Or, cette charge est supportée non par la colonne mais par le bassin. Autrement dit, quelques kilos en plus ou en moins n'ont strictement aucune influence sur la colonne lombaire. Mais attention ! Ce que supporte le bassin est transmis aux hanches et aux genoux, et là, il y a un vrai risque d'aggraver une arthrose pré-existante. Ces notions de bon sens sont, sinon confirmées, du moins soutenues par le fait que les hernies discales sont plus fréquentes chez les grands maigres, alors que l'arthrose des membres inférieurs est plus fréquente chez les femmes ayant un surpoids.


16. - Et si j'arrêtais de fumer ?

Le tabac n'est bon ni pour le coeur, ni pour les poumons, ni pour le dos. La nicotine diminue le débit sanguin dans les petites artères nourricières des différents viscères. Ceci s'applique aussi aux disques intervertébraux. On a montré, chez des vrais jumeaux dont l'un fumait et l'autre pas, le rôle nocif de la cigarette, les fumeurs ayant des disques un peu plus abîmés que les non fumeurs. Ceci s'applique aussi aux muscles. L'une de mes patientes fumait beaucoup avant de se coucher. Elle se réveillait le matin avec des douleurs musculaires partout et un mal au dos qui ne s'amendaient que tard dans la matinée. Je lui ai conseillé d'arrêter. Comme par miracle, tout disparu avec la dernière cigarette.
D'autre part, le tabac fait tousser et la toux répétitive peut parfois déclencher des douleurs dorsales. Enfin le tabac favorise l'ostéoporose. Il est donc sage sinon de renoncer, du moins de diminuer votre consommation.


17. - Y a t'il une influence du temps ?

Tout le monde est bien convaincu qu'un climat froid et humide est mauvais pour les douleurs en général et pour le dos en particulier. Inversement, le chaud et le sec ont meilleure réputation.
En fait, il semble que plusieurs facteurs interviennent. Le premier est la pression atmosphérique. Des études ont montré que quand elle s'élève, la qualité de vie dans les domaines physique, affectif et social s'améliore aussi. Le moral devient meilleur, les douleurs s'en vont (plus ou moins...). Il en de même, à un moindre degré de la température. L'humidité n'a pas de rôle significatif. Enfin, l'accroissement de la luminosité au printemps a un effet très favorable sur les dépressions saisonnières qui, comme chacun sait, apparaissent en automne. Il y a donc tout un ensemble de facteurs météorologiques liés non pas directement, mais indirectement aux douleurs de toutes sortes, la nature corrigeant en été ce qu'elle a fait en hiver.


18. - Quels sports pratiquer ?

C'est une question souvent posée, à la quelle je réponds en général "celui que vous voudrez". Le sport ne doit se pratiquer que si l'on en a envie. Sinon, autant lire un bon livre. L'entraînement physique peut être bénéfique pour le dos. Il est sans grand effet sur les douleurs de cou. La plupart des sports sont sans risque quand ils sont pratiqués sans excès. L'exercice physique peut même améliorer un dos douloureux. Souvenez-vous aussi que les à-côtés du sport sont souvent plus nocifs que le geste sportif lui-même. Il y a plus de risques pour votre dos à lacer vos chaussures en vous penchant trop en avant qu'à courir cinq kilomètres...

Le tennis

Il n'y a qu'un sport qui puisse éventuellement être mauvais pour le dos, c'est le tennis. Les brusques mouvements de torsion du tronc qui accompagnent revers et coups droits pour rattraper des balles difficiles ont toutes les caractéristiques du "faux mouvement" : brutalité, force, amplitude et absence de contrôle du geste. C'est pourquoi les joueurs de tennis sont souvent victimes de leur dos. Mais si vous jouez tranquillement, les risques sont minimes. Préférez alors les surfaces en terre battue, plus souples, échauffez-vous longuement et ne prenez pas froid au dos si vous transpirez.

Le jogging

Le jogging peut être pratiqué sans crainte, sous réserve de bonnes chaussures qui amortissent les vibrations nocives pour la colonne. Evitez de courir sur du dur si vous avez mal au dos. Evitez également les terrains trop accidentés qui imposent des mouvements importants à la charnière lombo-sacrée. Si vous n'aimez pas courir, faites de la marche à pied; c'est excellent. On a même montré que les métiers où l'on marchait beaucoup entraînaient moins de dégénérescence discale que les métiers sédentaires. Alors n'hésitez pas.

La natation

La natation jouit d'une excellente réputation. Il est vrai qu'elle favorise un bon positionnement du rachis, en particulier la nage sur le dos. Vous pouvez préférer nager sur le ventre, position qui accentue la lordose lombaire (à éviter si vous avez mal en creusant les reins). Votre cou peut aussi être gêné par l'hyper-extension si vous nagez la brasse, ou la rotation si vous préférez le crawl. Dans ce cas, choisissez la nage indienne, sur le côté. Pour savoir, il faut essayer et voir : il n'y a pas de réponse toute faite.

Le golf

Ce sport a connu un développement rapide lié à l'agrément qu'il procure aux citadins privés de verdure. Il reste cher cependant. Celles qui ont la chance de le pratiquer noteront qu'un swing (les canadiens disent un élan, c'est plus joli) bien fait n'est pas mauvais pour le dos, car il s'agit d'un mouvement bien programmé, régulier et contrôlé, le contraire du tennis en quelque sorte. Méfiez-vous quand même des coups difficiles dans le rough (les "herbes longues") ou les bunkers (les "trappes à sable", avec l'accent canadien). En fait, c'est en soulevant votre sac ou en tirant votre chariot que vous risquez de vous faire mal. Choisissez un chariot électrique, sinon poussez-le plutôt devant vous. Car comme le disait joliment l'une de mes patientes, on tire avec son dos, on pousse avec son corps.

La musculation

Elle aussi a connu un "boum" en l'espace de vingt ans. On regardait alors, vaguement ironiques, ceux qui s'adonnaient au "culturisme". La venue de l'aérobic, du stretching et d'appareils de musculation permettant un dosage précis de l'effort, la prise de conscience de la nécessité d'entretenir son corps et sa silhouette ont changé tout cela. Les femmes sont en majorité dans ces salles de sport. En cas de douleur lombaire, évitez les squats qui peuvent être dangereux. Certains exercices peuvent réveiller vos douleurs. C'est le cas des machines à fessiers ; assise, vous écartez progressivement les genoux contre résistance. Ce travail des fessiers s'accompagne de façon automatique d'une contraction des muscles lombaires, donc d'une lordose active avec compression des disques potentiellement nocive. C'est aussi le cas de la musculation du bas du dos. A plat ventre, le tronc pend dans le vide et vous devez, en contractant les para-vertébraux, vous redresser. Arrêtez ce mouvement à mi-chemin, sans trop creuser le dos. S'il est douloureux, travaillez plutôt les abdominaux. Si là aussi, vous avez mal, arrêtez tout et attendez la fin de la crise. A titre préventif, équilibrez le travail de ces deux groupes musculaires.

L'équitation

L'équitation a mauvaise réputation. Surtout parmi ceux ou celles qui ne la pratiquent pas. Monter à cheval est excellent pour le dos, parce que vous devez vous tenir bien droit, le bas du dos légèrement cambré et maîtriser les mouvements de votre bassin. De plus, les mouvements du cheval au pas se communiquent à vos disques lombaires. L'alternance souple de balancements latéraux favorise alors leur nutrition. N'hésitez plus...

Le ski

Partir au ski avec une douleur lombaire qui ne guérit pas n'est pas très prudent. Skiez en souplesse, surtout sur les bosses. Choisissez les pistes bleues ou rouges faciles. Evitez les pistes noires et autres descentes kamikazes, fuyez le hors-piste. Faites aussi attention au démarrage des remonte-pentes, qui souvent donnent un à-coup brusque dans le bas du dos.

La planche à voile

Si vous maîtrisez parfaitement ce sport, il n'y a pas de problème. La position que vous adoptez entraîne une contraction équilibrée des muscles du tronc qui peut soulager votre gène lombaire. Si vous êtes débutante, préférez le bain de soleil. L'effort pour remonter sur la planche si vous êtes tombée à l'eau, et pour redresser le mat est considérable.

Le Taï-chi

Cette gymnastique lente et harmonieuse largement pratiquée en Chine arrive lentement chez nous. Les plus âgé(e)s y trouvent une forme d'exercices particulièrement adaptés à leur condition physique. On y travaille la coordination et l'équilibre. La conséquence, comme le montre une étude récente sur le sujet, est que ce sport réduit le risque de tassement vertébraux et de fractures du col du fémur chez les femmes ostéoporotiques. Comment ? Avec un meilleur équilibre, elles tombent moins facilement.

La marche à pied

C'est finalement le meilleur et le plus simple à pratiquer des exercices, à condition de marcher au moins une demi-heure d'affilée, deux à trois fois par semaine si possible. Il faut marcher d'un bon rythme, la vraie marche à pied n'ayant rien à voir avec le lèche-vitrine. L'intérêt de cet exercice est qu'il peut être poursuivi fort tard dans la vie, sans aucun risque et que son bénéfice est global : poumons, circulation, appareil locomoteur (action favorable sur les muscles, les articulations, les disques, la densité osseuse), et finalement détente générale...


19. - Je pars en voyage. Quelles précautions prendre ?

Si vous avez mal au dos et que vous devez voyager en avion, prenez quelques précautions simples. Emportez avec vous des antalgiques et des anti-inflammatoires. Faites très attention en attrapant vos bagages. Peu importe leur poids, tout est dans la façon de les soulever du sol. Faites-le précautionneusement en gardant le dos bien vertical. Ne les installez surtout pas vous-même dans le taxi, ne les sortez pas non plus du coffre. De nombreux chauffeurs de taxi savent combien cela est mauvais pour le dos : ils ouvrent la malle arrière et attendent que vous les chargiez vous même ! Dans l'avion, même recommandation : demandez à quelqu'un de mettre votre sac dans le compartiment à bagage. En vol, marchez un peu dans le couloir, dégourdissez-vous les jambes si vous vous sentez ankylosée. Si vous avez mal au cou, rien ne vaut un oreiller gonflable de voyage, qui maintient la nuque bien droite sans effort. Mais globalement, l'avion est le meilleur des moyens de transports lorsqu'on a mal au dos (la brièveté du voyage, pour les vols domestiques, joue aussi).
Le train n'est pas trop mauvais, bien que certains trajets occasionnent des secousses répétées. L'installation en hauteur de lourds bagages est évidement dangereuse.
La voiture est peu recommandée si vous devez conduire vous-même sur un long trajet : secousses, vibrations, crispation, siège pas forcément confortable sont autant de facteurs négatifs. Arrêtez vous toutes les heures pour vous dégourdir les jambes. Vous pouvez également installer une petite planchette de contre-plaqué mince sur le siège et vous asseoir dessus : l'assise est meilleure et votre dos mieux maintenu. Il existe dans le commerce des supports de ce type combinant dossier et assise, à poser sur le siège.
Reste le problème de la literie. Les lits d'hôtel ne sont pas toujours très bons. Si tel est le cas, deux solutions. La première, demander à la réception s'ils disposent d'une planche à placer sous le matelas. La seconde, en dernière extrémité : placez le matelas directement sur le sol...
Dernière recommandation, n'oubliez pas, si votre douleur est forte, d'emporter vos radios ou votre scanner avec vous, qui ne prennent pas de place au fond d'une valise. Ceci facilitera votre prise en charge à l'étranger, si une aggravation survenait. Et si vous séjournez en France, demandez à votre médecin le nom d'un correspondant éventuel sur place, si cela est possible.


20. - En l'an 2000, quels espoirs pour ceux qui souffrent du dos ?

Comme dans tous les domaines, les connaissances progressent aussi dans celui du mal de dos. Laissez-moi vous parler de quelques avancées, actuellement encore à l'état d'hypothèses, de projets ou d'études mais un jour disponibles.

Freiner l'évolution de la discarthrose

La discarthrose désigne l'usure progressive du disque sous l'effet d'enzymes (corps chimiques actifs) qui dégradent ou détruisent sa structure ou ses constituants. Il sera un jour possible de freiner l'action de ces enzymes voire de les éliminer en injectant une substance dans le disque. Peut-être même pourra t'on aider un disque abîmé à se reconstituer, à reprendre du volume en quelque sorte.

Résorber les hernies discales

J'ai été le premier à montrer que les hernies les plus grosses étaient celles qui disparaissaient le plus vite. Mais le mécanisme de résorption reste mal connu. Il est probable que des cellules spécialisées dans l'attaque des microbes et des corps étrangers (les macrophages) s'accumulent autour de la hernie et la digèrent peu à peu. Dès lors, on a pu proposer de rendre la hernie plus appétissante pour les macrophages en l'imbibant d'un composé chimique excitant (dit "facteur chimiotactique"). Ce principe est déjà bien connu des fabricants de "Ketchup" et des parfumeurs...

Mieux identifier les structures qui souffrent

L'électrocardiogramme montre au cardiologue quelle est l'origine du problème cardiaque de son patient. Mais ni la radio, ni le scanner n'en font autant pour nous, spécialistes du mal de dos. L'avenir est à des examens dérivés de l'IRM, qui pourront montrer très finement la structure interne des disques et des articulations vertébrales, révélant les zones d'inflammation ou d'irritation, les fibres désinsérées ou rompues, les fissures... Des loupes électroniques, en quelque sorte.

Remplacer les disques usés

Un disque usé pourra dans quelques années être remplacé par une prothèse, comme pour les hanches ou les genoux. Les premiers modèles sont en expérimentation, mais l'opération est très lourde. Peut-être même sera t'il possible de greffer à sa place un disque vivant, mais les essais sur l'animal ne sont guère concluants pour l'instant.

Mieux utiliser demain les traitements d'aujourd'hui

Il existe actuellement de très nombreux traitements du mal de dos, mais les indications sont encore souvent empiriques (sauf en ce qui concerne la sciatique). Par exemple, les manipulations ou les infiltrations donnent chacune environ 60% de bons résultats. Comment mieux sélectionner les patients bons répondeurs pour améliorer ce chiffre et éviter aux autres des traitements inutiles ? C'est le but des études scientifiques qui chaque année paraissent par dizaines dans les revues spécialisées. Nul doute que les indications et contre-indications se préciseront peu à peu.


21. - Enfin, une dernière question en forme de conclusion : que retenir de ce livre ?

Vous n'avez qu'un dos. Ne lui faites pas de mal. Le mal de dos ne frappe pas au hasard.
Chaque attaque est souvent la rançon de mois ou d'années pendant lesquelles vous avez trop demandé à votre dos, parfois sans même vous en rendre compte.
Et dans chaque douleur chronique, la frontière s'estompe entre condition physique et psychique.
Alors : prudence...


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